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le Blog des ombres d'une cyberwitch
15 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE préfaces

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« Les hommes-médecine aborigènes, bien loin d’être des filous, des  charlatans ou des ignares, sont des hommes de haut rang ; c’est-à-dire, des hommes qui ont atteint un rang dans la vie secrète qui est bien supérieur à celui de la plupart des hommes adultes – ils ont franchi un pas qui implique discipline, entraînement mental, courage et persévérance. (…) Ce sont des hommes respectés, de personnalité souvent exceptionnelle. (…) Leur signification sociale est immense, puisque la santé psychologique du groupe dépend largement de la foi en leurs pouvoirs. (…) Les différents pouvoirs psychiques qui leur sont attribués ne doivent pas être trop rapidement rejetés comme étant de la simple magie primitive et de la “superstition”, car la plupart d’entre eux se sont spécialisés dans le fonctionnement de l’esprit humain, dans l’influence de l’esprit sur le corps et de l’esprit sur l’esprit.»

PRÉFACE À L’ÉDITION FRANÇAISE
    
Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, ce n’est que très récemment que l’on a commencé à écouter réellement les chamanes. Pendant très longtemps, les seules informations dont nous disposions pour comprendre le chamanisme furent soit des récits de missionnaires et d’aventuriers datant des conquêtes, soit des comptes rendus d’anthropologues de la vieille école partis étudier les cultures dites « primitives ».


      Dans tous les cas, les croyances, les idéologies et les dogmes religieux et intellectuels interféraient avec l’observation. Ce n’était donc pas vraiment une communication réciproque qui s’établissait entre les « spécialistes du chamanisme » et les chamanes, mais une interprétation généralement faussée qui servait avant tout à renforcer nombre de préjugés et d’idées reçues.


    Durant les années 1960, suite à quelques décennies de prodigieuses découvertes dans des domaines aussi variés que la pharmacologie des plantes chamaniques ou l’étude des états modifiés de conscience, quelques anthropologues décidèrent de ne plus simplement interpréter les dires des chamanes selon un contexte culturel donné, mais de les écouter en considérant leur savoir, leurs connaissances et leurs récits comme de l’information brute ayant une valeur de vérité égale à toute autre forme de science empirique.


      Dans cette nouvelle vague anthropologique, Michael Harner fut sans aucun doute l’un des plus importants pionniers de l’écoute véritable des chamanes. À la fin des années 1950, après plusieurs séjours en Amazonie, il outrepassa toutes les règles établies en décidant non seulement de participer à des cérémonies, brisant le tabou de l’observation pure et dure, mais également d’apprendre les techniques du chamanisme directement auprès de chamanes sud et nord-américains. Il fut aussi l’un des premiers à affirmer que le chamanisme est universel et que l’ensemble des techniques qu’il véhicule, au-delà des contextes culturels et folkloriques, n’appartient à aucune culture en particulier, mais fait partie du patrimoine de l’humanité, et cela depuis des dizaines de milliers d’années.


      En 1980, Michael Harner a décidé de partager ses connaissances pratiques en écrivant un livre qui décrit précisément les modalités du travail chamanique, en se plaçant du côté du praticien plutôt que de celui de l’observateur. Ce livre – La Voie du chamane – est sans aucun doute l’un des plus importants ouvrages sur le chamanisme, parce que, justement, il parle de chamanisme, c’est-à-dire de techniques spécifiques permettant de changer d’état de conscience, de voyager et de travailler dans le monde des esprits. C’est par son intermédiaire que de nombreux Occidentaux ont pu redécouvrir leurs potentialités chamaniques et régénérer des pratiques qui avaient été refoulées durant plusieurs siècles.


      Peu avant la première édition de La Voie du chamane, Michael Harner a mis sur pied le Center for Shamanic Studies, qui s’est ensuite transformé en une fondation d’importance internationale, la Foundation for Shamanic Studies (Fondation pour les études chamaniques) ayant pour but la préservation, la compréhension et la transmission des techniques chamaniques universelles, que Michael Harner a regroupées sous l’appellation core-shamanism (chamanisme fondamental). Ainsi, contre vents et marées académiques et contre toute forme de pensée réactionnaire, Michael Harner a poursuivi son travail de pionnier et a contribué à ouvrir le champ des possibles en fournissant un accès non dogmatique et universel à la voie chamanique.   


      Au chapitre des remerciements, les personnes suivantes ont chacune joué un rôle décisif dans la réédition de cet ouvrage : tout d’abord William Texier, qui a fait le lien entre l’intention et sa réalisation ; Tigrane Hadengue et Michka Seeliger-Chatelain, les forces créatrices de Mama Editions, qui ont répondu présent à l’appel ; Jeremy Narby, qui a su voir la pertinence de cet ouvrage ; Ulla Straessle, qui a porté et continue de porter de plus belle le flambeau du core-shamanism dans les pays francophones d’Europe ; et finalement, last but not least, Michael Harner, qui a facilité les démarches et a partagé sa joie de voir The Way of the Shaman enfin réédité en français.   


      Michael Harner, qui a aujourd’hui plus de quatre-vingts ans, est considéré comme l’un des plus grands spécialistes du chamanisme. Cet ouvrage, réédité dans une version complète et révisée, est son œuvre majeure.   
    
    
      Laurent Huguelit  
      Membre de la Faculté de la  
      Foundation for Shamanic Studies  
      Coauteur de Le Chamane & le Psy

 

PRÉFACE À L’ÉDITION AMÉRICAINE
    
    
      Dix ans ont passé depuis la parution de l’édition originale de ce livreI, et ce furent des années tout à fait remarquables pour la renaissance chamanique. Avant cela, le chamanisme disparaissait rapidement de la planète, alors que les missionnaires, colons, gouvernements et intérêts commerciaux écrasaient les peuples tribaux et leurs anciennes cultures. Cependant, durant la dernière décennie, le chamanisme est revenu à la vie humaine avec une force surprenante, et cela même dans des bastions de la « civilisation » occidentale tels que New York ou Vienne. Cette résurgence a eu lieu si subitement que la plus grande partie du public ignore probablement qu’il existe une chose telle que le chamanisme, et sait encore moins qu’il est en train de revenir. Mais quoi qu’il en soit, des milliers de personnes aux États-Unis et ailleurs ont repris la pratique du chamanisme et l’ont incluse dans leur vie quotidienne.      


      Le retour du chamanisme a rendu perplexes de nombreux observateurs extérieurs au mouvement, c’est pourquoi je voudrais évoquer quelques-uns des facteurs contribuant à ce renouveau. L’une des raisons de l’intérêt grandissant pour le chamanisme est que de nombreuses personnes éduquées ont délaissé l’Âge de la foi. Elles ne croient plus que les dogmes et autorités ecclésiastiques puissent leur fournir une preuve adéquate de l’existence de la réalité des mondes spirituels, ou même du fait que l’esprit existe. Des anecdotes de seconde main issues de textes religieux antagonistes et déterminés culturellement, provenant d’autres temps et d’autres lieux, ne sont pas assez convaincantes pour fournir des paradigmes à leur existence. Ces personnes demandent des preuves de meilleure qualité.   


      Le New Age est partiellement une ramification de l’Âge de la science, et il incorpore à la vie privée les conséquences paradigmatiques de deux siècles d’utilisation sérieuse de la méthode scientifique. Les enfants de l’Âge de la science, dont je fais partie, préfèrent parvenir par eux-mêmes, expérimentalement, à leurs propres conclusions sur la nature et les limites de la réalité.Le chamanisme leur fournit une voie permettant de conduire ces expérimentations, parce qu’il s’agit d’une méthodologie, et non d’une religion.


       L’Âge de la science a produit le LSD. Parmi ceux qui sont arrivés au chamanisme beaucoup ont auparavant déjà conduit des « expérimentations »,   quoique de manière informelle, par l’intermédiaire de trips  produits par des drogues psychédéliques, mais ont découvert qu’ils  n’avaient pas de cadre ou de discipline dans lesquels positionner leurs expériences. Ils ont cherché dans les livres de Castaneda et d’autres auteurs des cartes de leurs expériences, et ont ressenti la cartographie secrète qui se trouve dans les fondements du chamanisme.  

 
      L’Âge de la science a également produit les NDE (Near Death Experiences ou EMI, expériences de mort imminente) à large échelle, en raison d’un nouveau niveau de technologie médicale qui a permis à des millions d’Américains d’être réanimés d’un état de mort clinique. Les expériences de mort imminente, bien que non planifiées, se sont également révélées être des expériences personnelles qui ont mis à l’épreuve, et très souvent changé, les postulats préalables des survivants concernant la réalité et l’existence de l’esprit. Ces personnes ont également cherché des cartes, et nombre d’entre elles se sont tournées vers les anciennes méthodes chamaniques au cours de leur quête.  

 
      Les méthodes chamaniques requièrent une discipline détendue, avec de la concentration et un but. Le chamanisme contemporain, comme celui de la plupart des cultures tribales, utilise un son percussif monotone pour entrer dans un état modifié de conscience. Cette méthode classique sans drogue est remarquablement sûre. Si les praticiens ne maintiennent pas leur concentration et leur discipline, ils retournent simplement à l’état de conscience ordinaire. Il n’y a pas de période de temps prédéterminée dans l’état modifié de conscience, contrairement à ce qui tendrait à arriver avec une drogue psychédélique.  
    
      En même temps, les méthodes chamaniques classiques fonctionnent avec une rapidité surprenante, si bien que, en quelques heures, la plupart des personnes peuvent faire des expériences qui prendraient normalement des années de méditation silencieuse, de prières et de psalmodies. Pour cette seule raison, le chamanisme est idéalement adapté à la vie contemporaine des personnes actives, tout comme il fut idéalement adapté, par exemple, aux Inuits dont les journées étaient remplies de tâches liées à la lutte pour la survie, mais dont les soirées pouvaient être consacrées à la pratique du chamanisme.   
    
      Un autre facteur expliquant le retour du chamanisme est le développement récent d’approches holistiques de la santé utilisant activement l’esprit pour favoriser la guérison et le maintien du bien-être. Dans le cadre de la santé holistique, un grand nombre de pratiques du New Age illustrent la redécouverte, par l’expérimentation récente, de méthodes qui furent autrefois largement connues dans les pratiques tribales et populaires. Le chamanisme, comme système englobant en grande partie cet ancien savoir, reçoit de plus en plus d’attention de la part de ceux qui cherchent de nouvelles solutions aux problèmes de santé, qu’ils soient physiques, mentaux ou émotionnelsIII. Des techniques spécifiques utilisées depuis longtemps dans le chamanisme, telles que la modification de l’état de conscience, la réduction du stress, la visualisation, la pensée positive et l’assistance provenant de sources non ordinaires, sont quelques-unes des approches qui sont largement utilisées dans la pratique holistique contemporaine.   
    
      Une autre raison importante du vaste intérêt pour le chamanisme est qu’il s’agit d’une écologie spirituelle. En ces temps de crise environnementale mondiale, le chamanisme fournit un élément qui manque à la plupart des « grandes » religions anthropocentriques : la révérence pour les autres êtres de la Terre, pour la planète elle-même, et la communication spirituelle avec eux. Dans le chamanisme, il ne s’agit pas simplement d’un culte de la Nature, mais d’une communication spirituelle réciproque qui ressuscite les  connexions perdues que nos ancêtres humains entretenaient avec le merveilleux pouvoir spirituel et la beauté de notre jardin Terre. Les chamanes, comme l’a mis en évidence Mircea Eliade, le spécialiste du chamanisme et de l’histoire comparée des religions, sont les derniers humains capables de parler avec les animauxIV. En fait, j’ajouterai qu’ils sont les derniers capables de parler avec l’ensemble de la Nature, y compris les plantes, les ruisseaux, l’air et les rochers. Nos anciens ancêtres chasseurs-cueilleurs reconnaissaient que leur environnement avait le pouvoir de vie et de mort sur eux, et considéraient cette communication comme essentielle pour leur survie.
    
      Et maintenant, nous aussi, nous commençons à reconnaître le pouvoir de vie  et de mort que notre environnement a sur nous. Après une destruction  irréfléchie et sans merci des autres espèces de la planète, de la qualité de l’air, de l’eau et de la Terre elle-même, nous retournons, quoique  lentement, à la prise de conscience que l’ultime survie de notre espèce dépend du respect que nous avons pour notre environnement planétaire. Mais, le respect seul ne suffit pas. Nous avons besoin de communiquer intimement et avec amour avec « toute notre parenté », comme le diraient les Lakota, en ne parlant pas seulement avec le peuple humain, mais avec le peuple des plantes, et tous les éléments de l’environnement, y compris le sol, les rochers et l’eau. En fait, du point de vue du chamane, ce qui nous entoure n’est pas de « l’environnement », mais notre famille.
    
     Aujourd’hui, de Zurich à Auckland, de Chicago à São Paulo, des humains abordent à nouveau l’ancienne voie du chamane, souvent dans des cercles ou des groupes de tambour qui se rencontrent régulièrement pour pratiquer et faire un travail de guérison. Ces groupes sont autonomes, et comme l’ont fait les chamanes depuis des temps immémoriaux, ils travaillent indépendamment, dans de petites communautés, afin d’apprendre, de s’entraider et d’aider les autres. Et ces communautés informelles font partie d’une communauté plus étendue, maintenant internationale, mais sans hiérarchie et sans dogmes, car les autorités spirituelles, comme aux époques tribales, se trouvent directement dans la réalité non ordinaire à laquelle chaque voyageur chamanique a accès individuellement.


      Un cercle de tambour se réunit toutes les semaines ou tous les quinze jours, le soir, et compte en général entre trois et douze personnes, la direction et la responsabilité du tambour passant de l’un à l’autre. En travaillant ainsi, les participants fournissent du tambour live et accomplissent un travail chamanique qui leur permet de s’aider les uns les autres et d’aider leurs proches. Si le groupe pratique des soins, c’est à titre gratuit, comme un service spirituel.
    
      De nombreuses autres personnes travaillent seules, à l’extérieur des groupes de tambour, en utilisant des écouteurs et un enregistrement de tambour. Lorsqu’il est utilisé correctement, celui-ci peut avoir une efficacité surprenante (voir l’appendice A). Ces enregistrements, ainsi que d’autres outils technologiques et méthodologiques, sont également utilisés dans le cadre d’un système de résolution de problèmes intitulé shamanic counseling (conseil  chamanique).
    
      En utilisant les méthodes fondamentales du chamanisme telles qu’elles sont
 exposées dans ce livre et dans les séminaires de formation chamanique de la FSS (Foundation for Shamanic Studies), ces nouveaux praticiens ne « jouent pas à l’Indien », mais se rendent aux mêmes sources spirituelles révélatrices vers lesquelles les chamanes tribaux ont voyagé depuis des temps immémoriaux. Ils ne prétendent pas être des chamanes ; et pourtant, lorsqu’ils obtiennent des résultats chamaniques pour eux-mêmes et pour autrui dans ce travail, cela confirme leur authenticité. Leurs expériences sont véritables et lorsqu’elles sont décrites, elles sont essentiellement interchangeables avec les récits de chamanes de cultures non écrites. Le travail chamanique est le même, l’esprit, le cœur et le corps humain sont les mêmes ; seules les cultures sont différentes.
    
      En poursuivant leurs pratiques chamaniques, ils en sont venus à comprendre que ce que la plupart des gens décrivent comme étant la « réalité » touche à peine à la grandeur, au pouvoir et au mystère de l’Univers. Les nouveaux chamanes pleurent souvent des larmes d’extase lorsqu’ils vivent et racontent leurs expériences. Ils parlent avec une compréhension mutuelle aux personnes qui ont eu des expériences de mort imminente, et voient de l’espoir là où les autres peuvent voir du désespoir.
    
      Ils tendent à vivre une transformation alors qu’ils découvrent la sécurité et l’amour incroyables qui se trouvent dans un univers d’ordinaire caché. L’amour cosmique qu’ils rencontrent à maintes reprises dans leurs voyages s’exprime de plus en plus dans leur vie quotidienne. Ils ne se sentent pas isolés, même lorsqu’ils sont seuls, parce qu’ils sont parvenus à comprendre que nous ne sommes jamais vraiment isolés. À l’instar des chamanes sibériens, ils comprennent que « tout ce qui est est vivant ». Partout, ils sont entourés de vie, de famille. Ils sont retournés à la communauté éternelle du chamane, sans aucune limite de temps et d’espace.
    
      Michael Harner
      Norwalk, Connecticut
      Printemps 1990

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