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le Blog des ombres d'une cyberwitch

1 mai 2013

Sacs Magiques

Pour attirer la chance

Ingrédients: 
- des pépins de pomme séché 
- un sac noir

Rituel: 
Dans un sac noir mettez quelques pépins de pomme séchés. Gardez ce sac toujours avec vous. 
  
  

Pour un succès professionnel.

 

Ce rituel est à faire un vendredi soir de pleine lune, vers minuit.

Ingrédients: 
- un clou rouillé 
- une pièce de monnaie 
- trois pincées de gros sel 
- une mèche de vos cheveux 
- trois branches de thym 
- un petit aimant 
- un sac rouge

Mettez tous ces ingrédients dans le sac rouge. Porter ce sac tout le temps sur vous. 
  
  

Pour vous protéger

Ingrédients: 
- un sac blanc 
- du buis

Mettre les ingrédients dans le sac. Portez ce sac tout le temps. 
  
  

Pour vaincre les difficultés

A faire : 
mercredi de pleine lune, le soir

Ingrédients: 
-du basilic 
-sept grains de poivre noir 
-quelques graines de moutarde 
-une gousse d'ail 
-une feuille de houx 
-un clou rouillé 
-une petite Cornaline 
-un sac rouge 
-un ruban rouge.

Mettez tous ces ingrédients dans le sac rouge. Fermez-le avec le ruban rouge. 
  
  

Pour chasser les ondes négatives

Ingrédients: 
- Un sac de blanc 
- Une poignée de gros sel de mer.

Pour chasser les ondes négatives, mettez ce sel dans le sac et refermez le sac. Portez le  lorsque vous sentez des mauvaises ondes. 
  
  

Pour réussir dans la vie

Ingrédients: 
- des grains de blé 
- la marjolaine 
- trois feuilles de laurier 
- un sac de la couleur de votre choix 
- un ruban .

Remplissez le sac avec les ingrédients. Fermez le sac avec le ruban. Portez toujours ce sac dans votre sac par exemple mais toujours le mettre sur votre côté droit. 

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29 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE chapitre 3 bis

L’État de conscience chamanique
    
    
      Le chamane n’opère dans la réalité non ordinaire qu’une petite partie de
      son temps, et lorsque c’est le cas, seulement lorsqu’il y a besoin
      d’accomplir des tâches chamaniques, car le chamanisme est une activité à
      temps partiel. Chez les Jívaro, les Conibo, les Inuits et d’autres
      peuplades traditionnelles, le maître chamane participe d’habitude
      activement aux affaires économiques, sociales et même politiques de la
      communauté. Il est souvent un chasseur accompli ou un jardinier, un
      artisan ou un artiste, un penseur et un membre de la communauté
      responsable de sa famille. Évidemment, la capacité du maître chamane à
      opérer avec succès dans deux réalités différentes est perçue comme une
      preuve de son pouvoir.
    
    
      Le chamane suit les préceptes du chamanisme lorsqu’il est engagé dans des
      activités chamaniques, et suit les préceptes de la réalité ordinaire
      lorsqu’il n’est pas engagé dans du travail chamanique : il se déplace
      volontairement, et avec une intention sérieuse, entre les deux réalités.
      Quelle que soit la réalité, le chamane pense et agit de façon appropriée
      et a pour objectif la maîtrise de ses activités non ordinaires et
      ordinaires. Seul celui qui maîtrise ses actions dans les deux réalités est
      un maître chamane.
    
    
      Les deux réalités personnelles du chamane, non ordinaire et ordinaire, ont
      leurs états de conscience corrélatifs.
    
    
      Chaque réalité ne peut être appréhendée avec succès que lorsqu’on se
      trouve dans l’état de conscience qui lui est approprié. Ainsi, si l’on
      traverse une rue passante dans une ville, l’état de conscience approprié
      est différent de celui utilisé pour pénétrer dans le Monde d’en bas. Un
      maître chamane se rend parfaitement compte de l’état de conscience
      approprié à chaque situation à laquelle il est confronté, et entre dans
      cet état de conscience si nécessaire.
    
    
      La perception de deux réalités est caractéristique du chamanisme, bien que
      certains philosophes de salon occidentaux aient longtemps refusé
      d’admettre la légitimité d’une distinction entre le monde ordinaire et le
      monde caché au sein des peuples premiers, supposant apparemment qu’ils ne
      peuvent les distinguer. Comme je l’ai expliqué, non seulement les Jívaro
      effectuent une telle distinction consciemment, mais ils accordent une plus
      grande importance à la réalité cachée ou non ordinaire.36 Je partage l’avis de Ake Hultkrantz lorsqu’il
      dit :
    
    
       
    
    
      [Même] si ces peuples (premiers) n’opèrent pas consciemment une telle
      dichotomie – ce qu’ils font parfois –, ils ordonnent
      en fait inconsciemment leur cognition selon ce modèle. Une preuve en est
      la transe chamanique. Le monde de l’extase est le monde des pouvoirs et
      des agents surnaturels dans lequel plonge le chamane. Il existe au sein de
      deux mondes ; en dehors de la transe, il vit la vie quotidienne des
      hommes de sa tribu ; en transe, il constitue une partie et une
      parcelle du monde surnaturel, partageant avec les esprits certaines de
      leurs capacités : la capacité à voler, à se transformer, à ne faire
      qu’un avec son esprit allié, etc.37
    
    
       
    
    
      La distinction que j’établis avec insistance entre les expériences en ECC
      et celles en ECO, ou celle qu’établit Castaneda entre la réalité non
      ordinaire et la réalité ordinaire, ne figure généralement pas dans les
      conversations que tiennent les chamanes entre eux ou même avec des
      Occidentaux. Ainsi, si vous écoutiez parler un chamane jívaro, vous
      pourriez entendre dans sa conversation quotidienne des récits
      d’expériences et d’actions qui vous sembleraient, en tant qu’Occidental,
      parfaitement absurdes ou impossibles. Par exemple, il pourrait vous dire
      comment il a coupé un gros arbre à distance avec son pouvoir chamanique,
      ou comment il a perçu un arc-en-ciel inversé dans la poitrine d’un voisin.
      Dans la même conversation, il pourrait vous raconter qu’il est en train de
      fabriquer une nouvelle sarbacane, ou qu’il est allé chasser la veille au
      matin.
    
    
      Le problème n’est pas, comme certains philosophes occidentaux pourraient
      le croire, que des peuples traditionnels comme les Jívaro montrent une
      forme primitive, prélogique, de pensée. Le problème est que l’Occidental
      n’est pas assez sophistiqué d’un point de vue chamanique. Pour les membres
      de sa tribu, le Jívaro n’a pas besoin de préciser la nature de son état de
      conscience dans telle expérience particulière. Ils le savent
      immédiatement, parce qu’ils ont également appris quel type d’expérience a
      lieu dans l’ECC et quel type d’expérience a lieu dans l’ECO. Seul
      l’observateur occidental n’a pas le savoir lui permettant de faire la
      différence.
    
    
      La sophistication des Jívaro est loin d’être unique ; en fait, elle
      est probablement répandue au sein de toutes les cultures chamaniques.
      Malheureusement, les observateurs occidentaux, à qui il manque une
      véritable expérience des états modifiés de conscience, n’ont pas assez
      souvent cherché à se renseigner sur la nature de l’état cognitif de leurs
      interlocuteurs indigènes lorsque ceux-ci faisaient des expériences
      impossibles. Comme l’anthropologue australien W. E. H. Stanner
      l’observa avec justesse :
    
    
       
    
    
      Fatalement, il est facile pour les Européens rencontrant de tels
      phénomènes pour la première fois de supposer que cette forme de mysticisme
      régit toute la pensée aborigène. Ce n’est pas le cas. La pensée logique et
      la conduite rationnelle sont aussi largement présentes dans la vie
      aborigène que dans les niveaux les plus simples de la vie européenne. […]
      Et si l’on cherche une démonstration vraiment brillante de pensée
      déductive, il suffit de voir [un aborigène] traquer un kangourou blessé,
      et de le persuader d’expliquer pourquoi il interprète les signes observés
      d’une certaine façon.38
    
    
       
    
    
      Autrement dit, les limitations ne sont pas celles des peuples
      traditionnels, mais les nôtres, puisque nous échouons à comprendre la
      nature bipartite de leurs expériences et le respect qu’ils leur accordent.
      Puisque notre culture occidentale n’est pas chamanique, il est nécessaire,
      en enseignant le chamanisme, de distinguer clairement l’ECC et l’ECO, ou
      les réalités non ordinaire et ordinaire, comme le fait Castaneda. Lorsque
      vous devenez chamane, et s’il y a d’autres chamanes avec qui vous pouvez
      converser, à l’instar d’un Jívaro ou d’un Conibo, vous n’avez alors plus
      besoin de préciser l’état de conscience où vous vous trouviez lorsque vous
      avez eu telle expérience particulière. Votre auditoire, s’il est composé
      de personnes ayant cette connaissance, le sait immédiatement.
    
    
      L’état modifié de conscience qui compose l’ECC comprend différents degrés
      de transe, de la plus légère (comme chez la plupart des chamanes indiens
      d’Amérique du Nord), à la plus profonde (comme chez les Lapons, où un
      chamane peut temporairement sembler être dans le coma). Évidemment, cet
      éventail d’états modifiés de conscience est observé chez les chamanes
      sibériens. Comme le souligne Hultkrantz, « les affirmations selon
      lesquelles la transe chamanique est invariablement de la même profondeur
      sont en conséquence fallacieuses »39.
    
    
      De façon semblable, Eliade observe :
    
    
       
    
    
      Chez les Ougriens, l’extase chamanique est moins une transe qu’un état
      d’inspiration ; le chamane voit et entend les esprits ; il est
      hors de lui parce qu’il voyage en extase dans les régions lointaines, mais
      il n’est pas inconscient. C’est un visionnaire et un inspiré. L’expérience
      fondamentale est pourtant une expérience extatique et le principal moyen
      de l’obtenir reste, comme dans beaucoup d’autres régions, la musique
      magico-religieuse.40
    
    
       
    
    
      Ce qui est avéré, c’est qu’un certain degré de modification de la
      conscience est nécessaire à la pratique du chamanisme.
    
    
      Les observateurs occidentaux se sont souvent montrés incapables de voir
      qu’un chamane était en transe légère, précisément parce qu’ils étaient des
      observateurs extérieurs à qui il manquait une expérience chamanique
      personnelle. Hultkrantz note avec une certaine justesse :
    
    
       
    
    
      Un chamane peut sembler agir dans un état lucide alors qu’en fait son
      esprit est occupé par des visions intérieures. J’ai moi-même pu observer
      un homme-médecine d’Amérique du Nord opérant durant un soin dans un
      contexte obscur difficilement décelable pour un étranger ; et le
      témoignage qu’il me rapporta sur ce qu’il avait vu pendant le soin mettait
      l’accent sur le fait qu’il était en légère transe.41
    
    
       
    
    
      À un moment précoce et critique de sa vie, avant même d’être chamane, on
      peut être entré très profondément dans cet état modifié de conscience,
      quoiqu’il y ait de nombreuses exceptions individuelles et culturelles.
      Parfois, une telle expérience a lieu lors d’une quête de vision visant à
      acquérir le pouvoir d’un esprit gardien. En d’autres occasions, cela
      arrive au point culminant d’une grave maladie, comme chez certains Indiens
      nord et sud-américains, ainsi qu’en Sibérie indigène. Une expérience aussi
      radicalement profonde et révélatrice encourage souvent la personne en
      question à suivre la voie du chamane.
    
    
      Ma première expérience psychédélique avec les Indiens Conibo, en 1961, en
      constitue un exemple personnel.
    
    
      L’emploi du mot transe sera généralement évité ici, parce que nos
      conceptions culturelles occidentales véhiculent souvent par rapport à ce
      terme l’idée qu’il s’agit d’un état non conscient. De façon semblable,
      Reinhard évite d’utiliser le mot transe et observe que « […] ce que
      nous essayons d’établir clairement, c’est que le chamane est dans un état
      psychique non ordinaire qui signifie, dans certains cas, non pas une perte
      de conscience, mais plutôt un état modifié de conscience »XIII42.
    
    
      C’est en ECC que l’on voit chamaniquement. On peut appeler cela
      visualiser, imaginer, ou, comme l’expriment les aborigènes australiens,
      utiliser « l’œil puissant »43.
      Quoiqu’une telle vision ait lieu dans un état modifié de conscience,
      comparer celle-ci à une hallucination serait un préjugé non issu de
      l’expérience qui nous empêcherait de comprendre directement de quoi il
      s’agit. Comme l’observe le brillant anthropologue australien A. P. Elkin,
      la vision d’un chamane aborigène « n’est pas une simple
      hallucination. Il s’agit d’une formation mentale visualisée et
      extériorisée qui peut même exister pour un certain temps indépendamment de
      son créateur. […] Alors que la personne fait l’expérience de la vision,
      elle ne peut bouger, mais reste consciente de ce qui se passe autour
      d’elle. Un [chamane] de la tribu des Kattang de New South Wales
      [Australie] me raconta […] qu’il pouvait voir et savoir ce qui se passait,
      mais qu’il était comme mort et ne sentait rien »44.
    
    
      L’ECC permet normalement une parfaite remémoration de l’expérience lorsque
      le chamane est revenu en ECO, contrairement à la transe caractéristique
      des médiums spirites occidentaux ou des participants aux danses de
      possession des Caraïbes ou de Java.45
      Autrement dit, l’ECC n’implique pas forcément de l’amnésie. En ECC, une
      partie de la conscience du chamane reste d’habitude légèrement connectée à
      la réalité ordinaire de l’environnement physique ou matériel où il se
      situe. La faible intensité de sa transe explique pourquoi le battement du
      tambour doit souvent être tenu par un assistant afin de le maintenir en
      ECC. Si le battement du tambour cesse, il se peut que le chamane revienne
      rapidement en ECO, et échoue ainsi dans son travail.
    
    
      Le tambour et le hochet sont les instruments principaux utilisés pour
      entrer en ECC. En général, le chamane restreint son utilisation du tambour
      et du hochet à l’évocation et au maintien de l’ECC, ainsi, son inconscient
      en vient-il automatiquement à associer leur emploi au travail chamanique
      sérieux. Lorsque le son régulier et monotone du hochet et du tambour
      commence à se faire entendre, et qu’il a été maintes fois auparavant
      associé à l’ECC, il agit sur son cerveau comme un signal de retour en ECC.
      Par conséquent, seules quelques minutes du son familier du hochet ou du
      tambour suffisent généralement à un chamane expérimenté pour entrer dans
      la transe légère au sein de laquelle la plus grande partie du travail
      chamanique est effectuée.
    
    
      Le son répétitif du tambour est fondamental pour l’accomplissement des
      tâches chamaniques en ECC. Ce n’est pas pour rien que les Sibériens et
      d’autres chamanes désignent parfois leur tambour sous le nom de cheval ou
      de canoë qui les transporte dans le Monde d’en bas ou le Monde d’en haut.
      Le battement régulier et monotone du tambour agit comme une onde porteuse,
      d’abord pour faciliter l’entrée du chamane en ECC, puis pour le soutenir
      dans son voyage.
    
    
      L’importance du tambour en tant que monture ou coursier est illustrée par
      ces vers chamaniques des Soyot (Tuva) de Sibérie :
    
    
       
    
    
      Tambours chamaniques
    
    
       
    
    
      Ô mon tambour multicolore
    
    
      Toi qui te tiens devant moi !
    
    
      Ô mon joyeux tambour peint
    
    
      Toi qui te tiens ici !
    
    
      Que ton épaule et ton cou soient forts.
    
    
       
    
    
      Écoute, ô écoute mon cheval – toi biche nordique !
    
    
      Écoute, ô écoute mon cheval – toi ours !
    
    
      Écoute, ô écoute toi [ours] !
    
    
       
    
    
      Ô tambour peint qui te tiens devant moi !
    
    
      Mes montures – cerf et biche nordiques.
    
    
      Sois silencieux tambour sonore,
    
    
      Tambour recouvert de peau,
    
    
      Exauce mes souhaits.
    
    
       
    
    
      Comme les nuages virevoltant, transporte-moi
    
    
      À travers la terre du crépuscule
    
    
      Et sous le ciel de plomb,
    
    
      Emporte-moi comme le vent
    
    
      Au-dessus des cimes des montagnes !46
    
    
       
    
    
      Des recherches en laboratoire menées par Neher ont démontré que le son du
      tambour produit des changements dans le système nerveux central. La
      stimulation rythmique affecte l’activité électrique dans de « nombreuses
      zones sensorielles et motrices du cerveau qui ne sont ordinairement pas
      affectées, par l’intermédiaire de leurs connexions avec la zone
      sensorielle stimulée »47. Cela
      semble dû en partie au fait que le simple battement d’un tambour comporte
      de nombreuses fréquences sonores, et transmet ainsi simultanément des
      impulsions le long de diverses voies nerveuses dans le cerveau. En outre,
      les battements du tambour sont principalement constitués de basses
      fréquences, ce qui signifie que plus d’énergie peut être transmise au
      cerveau par un battement de tambour que par un stimulus sonore de haute
      fréquence. Ce processus est rendu possible, affirme Neher, parce que « les
      récepteurs de basses fréquences de l’oreille sont plus résistants que les
      délicats récepteurs de hautes fréquences, et peuvent ainsi supporter des
      amplitudes de son plus élevées avant que la douleur ne soit perçue »48.
    
    
      Des recherches récentes sur les danses de vision des Indiens Salish de la
      côte nord-ouest d’Amérique du Nord appuient et élargissent les découvertes
      de Neher sur la capacité du rythme du tambour à induire un état modifié de
      conscience. Jilek et Ormestad ont découvert que les fréquences du son du
      tambour situées dans la zone de fréquences des ondes thêta de l’EEG
      (quatre à sept cycles par seconde) prédominaient durant les procédures
      d’initiation qui faisaient usage du tambour salish en peau de cerf. C’est
      cette zone de fréquences, observe Jilek, qui « est censée être la
      plus efficace dans la production d’états de transe »49.
    
    
      On espère qu’une telle recherche sera finalement enrichie par la mesure
      télémétrique de l’EEG de chamanes en train de travailler en ECC. Ce type
      d’investigations permettra sans doute de découvrir que l’ECC induit
      communément des ondes thêta aussi bien que des ondes alpha moins
      profondes.
    
    
      Le son du hochet du chamane provoque une stimulation de plus hautes
      fréquences nerveuses dans le cerveau que ne le fait le tambour, et
      renforce ainsi les battements du tambour tout en augmentant l’effet sonore
      global. Mais cela dit, le son de la plupart des hochets est d’une
      amplitude suffisamment basse pour ne pas infliger de douleurs aux
      récepteurs de l’oreille.
    
    
      Bien que le chamane puisse jouer lui-même du tambour lorsqu’il entre en
      ECC, son immersion complète dans cet état exige la présence d’un assistant
      qui prend le relais et continue le battement du tambour afin que l’état
      modifié de conscience du chamane soit maintenu, comme par exemple chez les
      Tungus de Sibérie.50 Une
      autre technique observée chez les Tungus consiste à laisser l’assistant
      s’occuper entièrement du battement du tambour, cela avant même que le
      chamane n’entre en ECC. C’est la méthode que je préfère, car autrement
      l’effort physique que demande le fait de battre le tambour peut entraver
      mon passage en ECC. Le chamane devrait, cependant, réguler la vitesse du
      battement, car lui seul peut sentir quel tempo est approprié. Dans les
      techniques que j’ai adoptées, j’agite un hochet d’abord sur un tempo lent
      que j’accélère si j’en ressens le besoin. Le son du hochet sert non
      seulement d’indication au joueur de tambour, mais enrichit également le
      registre du tambour en hautes fréquences. Lorsque le chamane utilisant
      cette méthode entre finalement en ECC, il n’est plus capable de secouer le
      hochet, aussi le joueur de tambour le relaie-t-il, poursuivant sur le
      tempo qu’il a entendu joué en dernier avec le hochet.
    
    
      Lorsque l’assistant du chamane tungus joue toute la partie de tambour, le
      chamane n’utilise pas de hochet. Au lieu de cela, il marque le tempo en
      dansant, le rythme des clochettes et des breloques en fer suspendues à son
      costume guidant le tambour et l’enrichissant simultanément de sons de
      hautes fréquences51. Il
      s’agit d’une technique qui donne une impulsion physique au système nerveux
      du chamane et qui s’harmonise bien avec les sons puisque, comme l’observe
      Shirokogoroff, « la danse est en partie invoquée par la nécessité de
      produire des sons rythmiques »52.
    
    
      Le passage en ECC est aussi soutenu par le chant. De façon
      caractéristique, le chamane dispose de chants de pouvoir spécifiques qu’il
      entonne en de telles occasions. Si les paroles peuvent varier quelque peu
      d’un chamane à un autre dans une tribu particulière, d’habitude, la
      mélodie et le rythme du chant ne sont pas une création propre au chamane,
      mais sont partagés dans l’ensemble d’une région tribale.
    
    
      Les chants ont tendance à être répétitifs et relativement monotones ;
      leur tempo est accéléré lorsque le chamane approche de l’ECC. Ils ont
      probablement pour fonction latente d’influencer l’activité du système
      nerveux central d’une manière analogue aux exercices de respiration
      yoguique, quoiqu’aucune recherche ne l’ait à ma connaissance déterminé. Le
      chamane est souvent assisté en ECC par les membres de l’audience qui
      chantent avec lui. Les paroles aident à évoquer l’ECC en se référant aux
      esprits gardiens et alliés du chamane, et réaffirment son pouvoir.
    
    
      L’aspect acquis de l’ECC implique que les choses vues, senties et
      entendues, ainsi que toutes les expériences vécues dans l’état modifié de
      conscience soient comprises comme étant complètement réelles. Ces
      expériences directes et empiriques ne sont pas considérées par le chamane
      comme imaginaires, mais comme une réalité immédiate. En même temps, le
      chamane reconnaît la différence entre la réalité de l’ECC et celle de
      l’ECO, et ne les confond pas. Il sait quand il se trouve dans l’une ou
      dans l’autre, et entre dans chacune volontairement.
    
    
      Les préceptes que le chamane utilise alors qu’il est en ECC impliquent que
      pour lui, les animaux, les plantes, les êtres humains et tous les autres
      phénomènes vus en état modifié de conscience sont considérés comme
      pleinement réels à l’intérieur du contexte de la réalité non matérielle et
      non ordinaire au sein de laquelle ils sont perçus. Le chamane entre en ECC
      pour voir et interagir avec ces formes non matérielles. De telles formes
      ne sont pas visibles pour le chamane ou d’autres personnes en ECO, et ne
      font pas partie de la réalité ordinaire.
    
    
      L’aspect de l’ECC implique un profond respect pour toutes les formes de
      vie, respect accompagné d’une conscience humble de notre dépendance
      vis-à-vis des plantes, des animaux et même de la matière inorganique de
      notre planète. Le chamane sait que les êtres humains sont reliés à toutes
      les formes de vie, qu’elles sont « toute notre parenté », comme
      disent les Sioux Lakota. En ECC comme en ECO, le chamane approche les
      autres formes de vie avec une compréhension et un respect familiaux. Il
      reconnaît leur ancienneté, leur parenté et leurs forces spécifiques.
    
    
      C’est pourquoi le chamane entre en ECC avec respect pour la Nature, pour
      les forces inhérentes aux animaux sauvages et aux espèces végétales, et
      pour leur ferme ténacité qui leur a permis de survivre et de prospérer au
      cours des éons de l’existence planétaire. Approchée avec respect et amour
      dans un état modifié de conscience, la Nature, croit-il, est prête à
      révéler des choses invérifiables dans un état de conscience ordinaire.
    
    
      Nombre de tribus indiennes nord-américaines préservent encore une vision
      essentiellement chamanique de la réalité, comme en témoignent, par
      exemple, ces affirmations d’un Hopi :
    
    
       
    
    
      Pour le Hopi, toute vie est une – c’est une seule et même
      chose. Ce monde où il vit est le monde humain, et, en son sein, tous les
      animaux, oiseaux, insectes et toute créature vivante, aussi bien que les
      arbres et les plantes qui sont également doués de vie, n’apparaissent que
      sous la forme d’une mascarade, ou sous les formes sous lesquelles nous les
      voyons ordinairement. Mais il est dit que toutes ces créatures et tous ces
      êtres vivants qui partagent l’étincelle de la vie avec nous humains
      possèdent sûrement d’autres habitats où ils vivent sous une forme humaine
      comme nous-mêmes. En conséquence, tous ces êtres vivants sont considérés
      comme humains, et ils peuvent parfois être vus sous leurs propres formes
      même sur Terre. Lorsqu’un être vivant est tué, son âme peut alors s’en
      retourner vers son propre monde qu’elle ne quittera peut-être plus jamais,
      mais les descendants de cette créature prendront sa place dans le monde
      humain, génération après génération53.
    
    
       
    
    
      Même en plein jour, on peut apprendre à voir chamaniquement les aspects
      non ordinaires d’un phénomène naturel. Par exemple, voici une méthode de
      vision dans la pierre, technique que j’ai apprise auprès d’un
      homme-médecine sioux lakota. Tout d’abord, choisissez une question à
      laquelle vous désirez recevoir une réponse. Puis marchez simplement dans
      une étendue sauvage jusqu’à ce que sur le sol, une pierre grosse comme
      deux poings semble attirer votre attention. Prenez-la et transportez-la
      jusqu’à un endroit où vous pouvez vous asseoir confortablement avec elle.
    
    
      Placez la pierre sur le sol devant vous, posez la question à laquelle vous
      désirez recevoir une réponse. Examinez soigneusement la surface supérieure
      de la pierre jusqu’à ce que vous soyez capable de discerner une ou
      plusieurs créatures vivantes formées par ses lignes, crevasses et
      irrégularités. Cela peut prendre quelques minutes.
    
    
      Lorsque vous êtes satisfait d’avoir discerné un ou plusieurs animaux,
      plantes, insectes, visages, formes humaines ou autres entités à la surface
      de la pierre, pensez à ce que la pierre essaye de vous dire sur la
      question que vous avez posée. Fixez votre conclusion dans votre esprit,
      puis retournez la pierre. Réitérez le même processus de vision et de
      réflexion en utilisant cette nouvelle surface. Si la pierre est assez
      épaisse, vous pouvez répéter le processus avec ses deux faces restantes.
    
    
      Ensuite, considérez calmement la façon dont les communications
      individuelles de chacune des quatre faces se rassemblent pour former un
      message qui constitue une réponse à votre question. Pour finir, avec
      respect et gratitude, reposez la pierre dans la position et à la place où
      vous l’avez trouvée.
    
    
      Une fois que vous aurez acquis une expérience chamanique suffisante, vous
      pourrez utiliser cette technique pour aider une autre personne. Faites-la
      alors procéder par les mêmes étapes, à la seule différence que vous
      participez ensemble à la vision de la réponse à son problème. À mesure que
      chaque face est observée, laissez d’abord votre compagnon décrire et
      analyser ce qu’il voit. Puis, en tant que chamane, complétez ses
      observations et son analyse avec les vôtres. Sur la base de votre plus
      grande expérience, vous pouvez parvenir à suggérer la manière dont ce que
      vous voyez correspond avec ce qu’il voit. Puis, retournez la pierre et
      répétez le processus pour les quatre faces. Finalement, la personne fait
      sa propre synthèse des quatre faces et obtient une réponse globale à son
      problème.
    
    
      Évidemment, il existe des similarités et des différences entre cette
      approche chamanique et un test de Rorschach ou les techniques
      psychanalytiques de libre association. Mais le fait qu’il y ait des
      différences ne rend pas pour autant la technique chamanique
      opérationnellement inférieure. Dans la perspective du chamane, il y a des
      animaux et des êtres dans la pierre. Le concept d’imaginaire n’a pas sa
      place dans le monde du chamane. Pour lui, toute la Nature possède une
      réalité cachée, non ordinaire. C’est quelque chose que l’on apprend à voir
      en suivant la voie du chamane.
    
    
      Cette libre adaptation par David Cloutier du poème d’un chamane de la
      tribu des Chukchi de Sibérie illustre mon propos :
    
    
       
    
    
      Les choses que voit un chamane
    
    
       
    
    
      Tout ce qui est
    
    
      est vivant.
    
    
       
    
    
      Sur la berge escarpée d’un fleuve,
    
    
      il est une voix qui parle.
    
    
      J’ai vu le maître de cette voix,
    
    
      il m’a salué de la tête,
    
    
      j’ai parlé avec lui,
    
    
      il a répondu à toutes mes questions.
    
    
       
    
    
      Tout ce qui est
    
    
      est vivant.
    
    
       
    
    
      Petit oiseau gris,
    
    
      petite gorge bleue,
    
    
      chante dans une branche creuse,
    
    
      appelle ses esprits, danse,
    
    
      chante ses chants de chamane.
    
    
      Pic sur un arbre,
    
    
      voilà son tambour,
    
    
      il a un bec qui bat du tambour
    
    
      et l’arbre tressaille,
    
    
      crie comme un tambour
    
    
      lorsque la hache mord son flanc.
    
    
       
    
    
      Toutes ces choses répondent
    
    
      à mon appel.
    
    
       
    
    
      Tout ce qui est
    
    
      est vivant.
    
    
       
    
    
      La lanterne se promène,
    
    
      les murs de cette maison ont des langues,
    
    
      même ce bol a son propre foyer.
    
    
      Les peaux assoupies dans leur sac
    
    
      ont murmuré toute la nuit.
    
    
      Les bois sur les tombes
    
    
      se lèvent et encerclent les tertres
    
    
      alors que les morts eux-mêmes se lèvent
    
    
      et s’en vont rendre visite aux vivants.54

29 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE chapitre 3

Chamanisme et états de conscience
    
    
      Le chamanisme représente le plus répandu et le plus ancien système
      méthodologique de guérison du corps et de l’esprit connu de l’humanité.
      Les données archéologiques et ethnologiques suggèrent que les méthodes
      chamaniques sont vieilles d’au moins vingt ou trente mille ans. Il est
      fort possible qu’elles soient encore plus anciennes – car,
      après tout, les primates qui étaient nos ancêtres ont vécu sur la planète
      durant plus de deux ou trois millions d’années.
    
    
      Aujourd’hui, le savoir chamanique survit principalement au sein de peuples
      qui, jusqu’à une période récente, avaient une culture traditionnelle
      intacte. Le savoir qu’ils préservent s’est acquis à travers des centaines
      de générations, dans des situations de vie et de mort. Les ancêtres de ces
      peuples l’ont minutieusement appris et utilisé dans leurs efforts visant à
      maintenir la santé et la force, à venir à bout de maladies graves, et à
      surmonter la menace et le traumatisme de la mort. Les gardiens de ces
      anciennes méthodes revêtent une importance capitale pour nous, car presque
      aucune de leurs cultures n’a laissé de témoignages écrits. Aussi est-ce
      seulement auprès de leurs derniers représentants vivants que nous pouvons
      apprendre les principes chamaniques.
    
    
      L’un des aspects les plus remarquables des postulats et des méthodes
      chamaniques est qu’ils sont très similaires dans des régions de la planète
      très éloignées les unes des autres, comme par exemple l’Australie
      aborigène, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Asie centrale et la Sibérie,
      l’Europe du Nord et de l’Est, et l’Afrique du Sud. Même dans la
      littérature historique de la Méditerranée classique, ou de l’Europe de
      l’Ouest du Moyen Âge et de la Renaissance, on trouve la preuve que le même
      savoir chamanique fondamental existait là autrefois avant d’être presque
      complètement éradiqué par l’Inquisition.
    
    
      Les nombreuses similarités des méthodes et des croyances chamaniques à
      travers la plus grande partie du monde ont été documentées en profondeur
      par Mircea Eliade dans son ouvrage de référence, Le Chamanisme et les
      techniques archaïques de l’extase29. C’est
      précisément en raison de la cohérence de cet ancien système de pouvoir et
      de guérison qu’Eliade et d’autres auteurs peuvent parler avec assurance de
      la fréquence de la pratique du chamanisme parmi des populations longtemps
      éloignées les unes des autres.30 Par
      exemple, un anthropologue observe : « Partout où l’on rencontre
      encore le chamanisme, que ce soit en Asie, en Australie, en Afrique ou en
      Amérique du Nord et du Sud, le chamane fonctionne fondamentalement de la
      même façon, et il a recours à des techniques similaires – il
      est le gardien de l’équilibre psychique et écologique de son groupe et de
      ses membres, il est un intermédiaire entre les mondes visibles et
      invisibles, il est le maître des esprits, le guérisseur surnaturel, etc. »
      Le chamane est capable de « transcender la condition humaine et de
      voyager librement dans les différents plans cosmologiques »31.
    
    
      La remarquable cohérence du savoir chamanique fondamental à travers le
      monde a également été soulignée par de nombreux autres anthropologues.
      Wilbert, par exemple, note ceci à propos du chamanisme chez les Indiens
      Warao du Venezuela : « Il sera évident pour quiconque est
      familier avec la littérature sur le chamanisme, que l’expérience warao
      présente, en grande partie, des caractéristiques quasi universelles. »
      Il fournit une longue liste de pratiques et de croyances que les chamanes
      warao partagent avec d’autres chamanes originaires d’Australie,
      d’Indonésie, du Japon, de Chine, de Sibérie, aussi bien qu’avec des
      traditions indigènes d’Amérique du Nord, du Mexique et d’Amérique du Sud.
      Wilbert en conclut qu’il existe une « correspondance remarquable […]
      non seulement dans le contenu général, mais également dans les détails
      spécifiques », entre les voyages chamaniques des Warao et ceux des
      Wiradjeri d’Australie vivant sur un autre continent, à un océan de là.32
    
    
      L’approche chamanique du pouvoir et de la guérison a été maintenue sous
      une forme similaire au sein de cultures traditionnelles qui, sous d’autres
      aspects, montraient une adaptation radicalement différente à des
      environnements contrastés et à des problèmes de survie matérielle très
      distincts. En raison des migrations préhistoriques et de l’isolement,
      nombre de ces groupes ont été séparés d’autres branches de la famille
      humaine durant dix ou vingt mille ans. Pourtant, durant cette longue
      période, la connaissance chamanique ne semble pas avoir varié de façon
      significative.
    
    
      Pour quelle raison ? Cela n’était évidemment pas dû à un manque
      d’imagination de la part des populations traditionnelles, car il existe de
      grands contrastes et de grandes variations dans leurs systèmes sociaux,
      leur art, leur économie et bien d’autres aspects de leurs cultures.
      Pourquoi alors le savoir chamanique est-il si fondamentalement similaire
      dans différentes parties du monde des cultures premières ?
    
    
      Je pense que la réponse est, simplement : parce que ça fonctionne.
      Durant plusieurs milliers d’années, grâce à des essais et des erreurs, des
      peuples vivant dans des situations écologiques et culturelles souvent
      extrêmement différentes sont néanmoins parvenus aux mêmes conclusions
      quant aux méthodes et aux principes fondamentaux du pouvoir et de la
      guérison chamaniques.
    
    
      Le chamanisme a prospéré au sein de cultures traditionnelles qui ne
      disposaient pas des innovations technologiques de la médecine moderne. À
      mon sens, le faible niveau technologique de ces cultures a contraint leurs
      membres à développer au plus haut degré possible la capacité de l’esprit
      humain à faire face aux graves problèmes posés par la santé et la survie.
      Certaines des méthodes les plus intéressantes que les humains possèdent en
      rapport avec la santé et les potentialités thérapeutiques de l’esprit sont
      celles des chamanes appartenant à des cultures à faible développement
      technologique.
    
    
      Pour accomplir sa tâche, le chamane dépend d’un pouvoir spécifique
      individuel qui lui est habituellement procuré par ses esprits gardiens et
      alliés. Chaque chamane dispose d’au moins un esprit gardien à son service,
      et cela qu’il possède ou non d’autres esprits alliés. Dans son ouvrage de
      référence sur le concept de l’esprit gardien chez les peuplades indigènes
      d’Amérique du Nord, Ruth F. Benedict observe que le chamanisme « est
      pratiquement partout, d’une manière ou d’une autre, construit autour d’un
      système incorporant la vision et l’esprit gardien (…) »33.
    
    
      En dehors de l’Amérique du Nord, l’esprit gardien joue un rôle tout aussi
      important, mais il est souvent désigné sous d’autres termes dans la
      littérature anthropologique, comme par exemple « esprit tutélaire »
      dans les ouvrages sur le chamanisme sibérien, et « nagual »
      au Mexique et au Guatemala. Dans la littérature australienne, on se réfère
      au « totem assistant », et dans la littérature européenne, au « familier ».
      Parfois, l’esprit gardien est simplement dénommé l’« ami » ou le
      « compagnon ». Quel que soit son nom, il est la source
      fondamentale du pouvoir qui permet au chamane d’agir.
    
    
      La façon la plus commune d’acquérir un esprit gardien consiste à faire une
      quête d’esprit dans un lieu isolé dans la nature sauvage ; une
      grotte, le sommet d’une montagne, une grande cascade ou une piste isolée
      la nuit, comme chez les Jívaro. Il existe également des voies chamaniques
      involontaires ou spéciales pour se procurer un esprit gardien.
    
    
      Sans esprit gardien, il est virtuellement impossible d’être un chamane,
      car celui-ci doit posséder cette source de pouvoir à la fois vive et
      fondamentale pour surmonter et maîtriser les puissances spirituelles ou
      non ordinaires dont l’existence et les actions sont normalement cachées
      aux humains. L’esprit gardien est souvent un animal de pouvoir, un être
      spirituel qui non seulement protège et sert le chamane, mais devient son
      alter ego ou une autre identité pour lui.
    
    
      Le fait qu’une personne dispose d’un esprit gardien ne suffit pas à faire
      d’elle un chamane. Comme les Jívaro le soulignent, qu’un adulte en soit
      conscient ou non, il bénéficie probablement, ou a bénéficié, de l’aide
      d’un esprit gardien durant son enfance ; autrement, il n’aurait pas
      disposé du pouvoir de protection nécessaire pour parvenir à l’âge adulte.
      La différence principale entre une personne ordinaire et un chamane quant
      à leur esprit gardien est que le chamane utilise activement son esprit
      gardien lorsqu’il est dans un état modifié de conscience. Le chamane voit
      et consulte fréquemment son esprit gardien, voyage avec lui dans ses
      voyages chamaniques, bénéficie de son aide et l’utilise pour aider les
      autres à reprendre des forces à la suite d’une maladie ou d’une blessure.
    
    
      En plus de son esprit gardien, un chamane puissant possède normalement un
      certain nombre d’esprits alliés. Il s’agit de pouvoirs individuels
      mineurs, comparés à l’esprit gardien, mais qui peuvent être plusieurs
      centaines à la disposition d’un chamane, et lui fournissent un important
      pouvoir collectif. Ces esprits alliés ont des fonctions spécialisées pour
      des buts particuliers. Il faut des années à un chamane pour en accumuler
      et former une équipe chamanique.
    
    
      Il ne semble pas y avoir de différences marquées entre les sexes en termes
      d’aptitude et de potentialité chamaniques. Dans beaucoup de sociétés,
      comme chez les Jívaro, la plupart des chamanes sont des hommes, et cela
      pour des raisons économiques et sociales qui n’ont que très peu de liens
      avec la pratique du chamanisme en soi. Mais les femmes jívaro, quand elles
      ont terminé d’élever leurs enfants et atteignent la cinquantaine,
      deviennent parfois des chamanes spécialement puissantsXII.
      Dans l’Europe médiévale et de la Renaissance, les veuves et les vieilles
      femmes devenaient souvent des chamanes guérisseurs, en partie pour se
      soutenir entre elles. Bien sûr, l’Inquisition les appelait « sorcières »,
      à l’image des missionnaires chrétiens qui continuent à traiter de sorciers
      les chamanes des sociétés non occidentales.
    
    
      Les chamanes sont principalement des guérisseurs, mais ils pratiquent
      aussi la divination en sondant le présent, le passé et le futur pour
      servir les autres membres de la communauté.
    
    
      Un chamane est un voyant. Notre terme voyant/voyante se réfère à
      cette forme d’activité, survivance de notre héritage chamanique européen
      qui a presque complètement disparu.
    
    
      Un chamane peut également pratiquer la clairvoyance et voir ce qui se
      passe dans un autre endroit au même moment.
    
    
      Le chamane se déplace entre les réalités, athlète magique des états de
      conscience engagé dans des prouesses mythiques.
    
    
      Il est l’intermédiaire entre les réalités ordinaire et non ordinaire,
      ainsi que Castaneda l’a décrit de manière spectaculaire.
    
    
      Il est aussi un médiateur de pouvoir, dans le sens où il manipule les
      puissances spirituelles afin d’aider les autres et de leur faire retrouver
      un équilibre salutaire.
    
    
      Un chamane peut être appelé pour aider quelqu’un qui est déspiritualisé,
      c’est-à-dire qui a perdu son esprit gardien personnel ou même son âme.
      Dans de telles situations, le chamane entreprend un voyage de guérison
      dans la réalité non ordinaire afin de recouvrer l’âme ou l’esprit perdu et
      la (ou le) ramener au patient. Le patient d’un chamane peut également
      souffrir d’une douleur ou d’une maladie localisée. Dans un tel cas, la
      tâche du chamane consiste à extraire la puissance nuisible qui en est la
      cause afin de restaurer la santé du patient. Telles sont les deux
      approches fondamentales de la guérison chamanique : la restauration
      des pouvoirs bénéfiques et l’extraction de ceux qui sont nuisibles.
    
    
      Dans ces tâches thérapeutiques, les chamanes doivent être capables de
      voyager sans cesse entre les réalités. Pour ce faire, dans certaines
      cultures ils prennent des substances modifiant la conscience ; mais,
      dans nombre d’autres cultures, ils n’en utilisent pas.34 En fait, certaines substances psychoactives
      peuvent interférer avec la concentration requise par le travail
      chamanique.
    
    
      L’une des choses intéressantes à propos du chamanisme est que, lorsqu’une
      drogue est utilisée, elle est prise par le guérisseur plutôt que par le
      patient, bien qu’il y ait des exceptions dans lesquelles la drogue est
      prise en commun. Cette différence avec la médecine occidentale moderne
      s’explique aisément si l’on considère que le chamane doit effectuer son
      travail de guérison en état modifié de conscience. L’idée est de fournir
      un accès vers la réalité cachée. Le chamane est responsable d’un tel
      travail, pas le patient.
    
    
      En son essence, l’initiation chamanique est empirique et souvent
      progressive ; elle consiste à apprendre comment atteindre l’état de
      conscience chamanique avec succès, et à voir et voyager au sein de cet
      état ; à acquérir la connaissance de son esprit gardien, ainsi que de
      la certitude à son égard, et s’assurer de son assistance en état de
      conscience chamanique ; et à apprendre à aider les autres avec succès
      en tant que chamane. Une phase caractéristique de la pratique chamanique
      plus avancée consiste à acquérir la connaissance de ses esprits alliés,
      ainsi que de la certitude à leur égard. Il existe des phases encore plus
      avancées, ainsi que certains types importants d’expériences chamaniques,
      qui ne sont pas traités dans ce livre. Cependant, si vous réussissez à
      expérimenter les trois premières phases décrites ci-dessus, vous pouvez
      probablement vous considérer comme un ou une chamane. Mais l’initiation
      chamanique est un processus sans fin, fait de lutte et de joie, et seuls
      ceux que vous tenterez de guérir pourront vous octroyer le statut de
      chamane.
    
    
      Un chamane débutant, après avoir appris la cosmologie, les méthodes et les
      principes fondamentaux du chamanisme, acquiert connaissance et pouvoir
      personnels par l’intermédiaire du voyage et de la pratique chamaniques.
      Une fois cette connaissance acquise, le chamane devient un guide pour les
      autres. Par exemple, une personne de sa communauté peut avoir fait un rêve
      ou avoir eu une vision et questionne le chamane sur sa signification. Le
      maître chamane est capable de lui répondre « oh oui, ce que tu as
      vécu a un sens… », sur la base de ce qu’il a lui-même appris
      empiriquement. Le chamane tente éternellement d’articuler ses révélations
      personnelles comme si elles constituaient les pièces d’un immense puzzle
      cosmique.
    
    
      De nombreuses années d’expérience chamanique sont d’habitude nécessaires
      pour parvenir à un haut degré de connaissance du puzzle cosmique, et même
      un maître chamane n’espère jamais compléter le puzzle en une vie d’homme.
    
    
      Un véritable maître chamane ne met jamais en doute la validité des
      expériences des autres, quoique cela puisse être le cas de chamanes moins
      doués et plus orgueilleux. Le maître chamane essaiera d’intégrer même les
      expériences les plus inhabituelles à sa cosmologie globale, cosmologie
      fondée principalement sur ses propres voyages. S’il y parvient facilement,
      il est probablement un maître, comme le chamane conibo qui me confiait :
      « Oh, ils disent toujours la même chose. »
    
    
      Le maître chamane ne prétend jamais que ce dont vous avez fait
      l’expérience est imaginaire. Cela constitue l’une des différences entre le
      chamanisme et la science. Il existe néanmoins des ressemblances entre le
      chamane et le scientifique : les meilleurs d’entre eux sont
      émerveillés par la complexité et la magnificence de l’univers et de la
      Nature, et savent que durant leur propre vie, ils ne pourront observer et
      comprendre qu’une petite partie du Tout. Chamanes et scientifiques
      poursuivent personnellement des recherches au sein des mystères de
      l’univers, et croient que les processus de causalité sous-jacents à cet
      univers sont cachés au regard ordinaire. Ni les maîtres chamanes ni les
      grands scientifiques ne permettent aux dogmes des autorités
      ecclésiastiques ou politiques d’entraver leurs explorations. L’accusation
      de sorcellerie (chamanisme) portée contre Galilée ne fut pas un hasard.
    
    
      Le chamane est un empirique, l’empirisme étant défini comme « la
      pratique consistant à mettre l’accent sur l’expérience, et spécialement
      celle des sens » (Webster’s Third New International Dictionary).
      Et évidemment, le chamane se fonde avant tout sur l’expérience directe des
      sens pour acquérir de la connaissance. Pourtant, le maître chamane est
      humble. Après tout, aucun d’entre nous ne peut vraiment connaître le Tout.
      Chacun se limite à sa petite fenêtre ouvrant sur l’univers. Comme le
      disait Hama : Utce :, une femme mohave :
    
    
       
    
    
      Chaque chamane raconte une histoire différente de la création. On peut
      l’entendre racontée de plusieurs façons. Toutes ces histoires se
      rapportent au même événement, mais la manière de le rapporter est
      différente, comme si différents témoins la racontaient en se souvenant de
      certains détails ou en les oubliant. C’est comme si un Indien, un Noir et
      un Français racontaient la même histoire, chacun à sa manière, ou comme si
      moi, mon mari Hivsu : Tupo : ma (brûlé cru), ou vous, décrivions
      un accident de voiture auquel nous aurions assisté.35
    
    
       
    
    
      Les chamanes sont des hommes d’action aussi bien que de savoir. Ils
      servent la communauté en voyageant à travers la réalité cachée lorsque
      leur assistance est demandée. Mais seul un petit nombre de chamanes
      deviennent de véritables maîtres de la connaissance, du pouvoir et de la
      guérison. De manière caractéristique, les chamanes sont très souvent
      évalués par les habitants de leur communauté sur la question de leurs
      compétences et de leurs talents thérapeutiques. Le curriculum des chamanes
      est bien connu, et les gens décident du chamane qu’il convient d’aller
      voir dans les questions de vie ou de mort. Ainsi, bien que nombre de
      personnes puissent devenir chamanes, seuls quelques-uns sont reconnus
      comme étant exceptionnels.
   

29 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE chapitre 2 exercice

Premier voyage
    
    
      Vous êtes maintenant prêt à commencer votre premier exercice empirique de
      chamanisme. Il s’agira d’un simple voyage d’exploration dans le Tunnel
      jusqu’au Monde d’en bas. Votre seule mission consistera à suivre le
      Tunnel, à voir éventuellement ce qui se trouve au-delà et à revenir. Soyez
      sûr d’avoir parfaitement compris ces instructions avant de commencer.
    
    
      Pour mener à bien cet exercice, vous aurez besoin d’un tambour et d’un
      compagnon qui vous assistera en jouant du tambour, ou d’un enregistrement
      de tambour chamanique (voir l’appendice A).
      Si vous ne possédez ni tambour ni enregistrement, vous pouvez demander à
      quelqu’un de taper rapidement avec une cuillère à soupe sur la couverture
      cartonnée d’un livre près de votre tête. Mais il s’agit d’une technique
      bouche-trou, qui est bien moins efficace que le son du tambour.
    
    
      Attendez d’être calme et détendu avant d’entreprendre cet exercice ou tout
      autre exercice chamanique. Évitez les substances psychédéliques et
      l’alcool durant les vingt-quatre heures précédant l’exercice afin que vous
      soyez centré, que votre pouvoir de concentration soit bon et que votre
      esprit soit débarrassé de toute imagerie confuse. Ne mangez que légèrement
      ou bien jeûnez durant les quatre heures précédant l’exercice. Choisissez
      une pièce sombre et tranquille. Enlevez vos chaussures, desserrez vos
      vêtements et allongez-vous confortablement sur le sol, sans coussin.
      Inspirez plusieurs fois profondément. Détendez vos jambes et vos bras.
      Reposez-vous quelques minutes et pensez à votre mission prochaine. Puis
      fermez les yeux en les couvrant de la main ou du bras, afin d’éviter toute
      lumière.
    
    
      Visualisez à présent une ouverture dans la terre que vous avez déjà vue à
      un autre moment de votre vie, durant votre enfance ou la semaine dernière
      ou même aujourd’hui. N’importe quel type d’entrée dans le sol fera
      l’affaire – comme par exemple un terrier creusé par un animal
      fouisseur, une grotte, une souche d’arbre creuse, une source ou un
      marécage. Il peut même s’agir d’une ouverture creusée par l’homme.
      L’ouverture appropriée est celle qui vous semble la plus confortable et
      que vous pouvez visualiser. Contemplez-la pendant quelques minutes sans y
      pénétrer. Notez clairement tous ses détails.
    
    
      À présent, indiquez à votre compagnon de commencer à jouer du tambour sur
      un rythme fort, monotone, invariable et rapide. Les frappes sur le tambour
      et les silences entre les frappes ne doivent pas varier d’intensité. Un
      tempo de deux cent cinq à deux cent vingt frappes par minute est
      généralement efficace pour ce voyage. Donnez-vous environ dix minutes pour
      le voyage. Prévenez votre assistant de cesser de battre le tambour à la
      fin des dix minutes puis de frapper nettement quatre foisXI
      pour vous signaler qu’il est temps de revenir. Il devra ensuite frapper
      très rapidement pendant environ une demi-minute pour vous accompagner lors
      du voyage de retour et conclure en tapant à nouveau quatre coups nets pour
      signaler que le voyage est terminé.
    
    
      Lorsque le battement du tambour commence, visualisez votre ouverture
      familière dans la terre, entrez-y et commencez le voyage. Descendez à
      travers l’entrée et pénétrez dans le Tunnel. Au début, le Tunnel peut être
      sombre et vague. Généralement, il descend en suivant une pente légère,
      mais il peut occasionnellement descendre à pic. Parfois, le Tunnel
      apparaît strié et souvent il se courbe. Il arrive quelquefois que l’on
      passe à travers lui si rapidement qu’on ne le voit même pas. Il est
      possible que vous rencontriez un mur de pierre ou quelque autre obstacle.
      Dans ce cas, contournez-le ou cherchez une faille pour le traverser.
    
    
      Si cela échoue, faites simplement marche arrière et recommencez. Dans tous
      les cas, ne faites pas d’efforts inconsidérés pendant le voyage. Si vous
      effectuez cet exercice correctement, il n’exigera que peu d’efforts.
      Réussir à voyager et à voir dépend d’une attitude qui se situe à mi-chemin
      entre essayer en faisant trop d’efforts et essayer sans faire assez
      d’efforts.
    
    
      Au bout du Tunnel, vous émergerez à l’extérieur, en plein air. Examinez le
      paysage en détail, parcourez-le et souvenez-vous de ses traits
      caractéristiques. Explorez-le jusqu’à ce que vous entendiez le signal du
      retour, puis reprenez le Tunnel en suivant le même chemin. Ne
      rapportez rien avec vous. Il s’agit seulement d’un voyage
      exploratoire.
    
    
      Lorsque vous serez revenu, asseyez-vous et ouvrez les yeux. Ne soyez pas
      découragé si vous ne réussissez pas la première fois. Essayez encore, avec
      un rythme de tambour plus lent ou plus rapide. Certains ont besoin d’un
      tempo différent en différentes occasions.
    
    
      Lorsque vous aurez terminé l’exercice, décrivez ce que vous avez vu à
      votre compagnon afin de ne pas oublier les détails de l’expérience. Vous
      pouvez également les écrire ou les enregistrer. Leur remémoration est le
      commencement de votre accumulation de connaissances en ECC.
    
    
      Certaines personnes qui ont suivi mes séminaires ont eu la gentillesse de
      me fournir le récit de leurs expériences durant ce premier exercice. Vous
      verrez qu’il peut être instructif de comparer votre expérience avec les
      leurs. Voici quelques-uns de ces comptes rendus, précédés de mes propres
      commentaires. Vous remarquerez qu’ils mentionnent parfois mon signal de
      retour ayant pour but de les faire revenir du voyage. C’est quelque chose
      que je fais généralement dans les sessions de groupe, simplement afin de
      coordonner les participants.
    
    
      Voyages
    
    
      Voici les rapports de première main d’expériences de personnes
      entreprenant le voyage vers le Monde d’en bas pour la première fois, tel
      qu’ils l’ont ensuite relaté. Les narrateurs sont pour la plupart des
      Américains de classe moyenne provenant des milieux les plus divers. Dans
      leurs descriptions, vous pourrez remarquer l’absence d’expressions telles
      que « j’imaginais que… » ou « j’étais halluciné que… ».
      Portés par le son du tambour et utilisant la méthode simple décrite
      ci-dessus, ils ont fait l’expérience d’un nouveau type de réalité, qu’ils
      ont souvent décrit comme étant une des expériences les plus profondes de
      leur vie. Vous devriez pouvoir la vivre vous aussi en utilisant la même
      méthode.
    
    
      Le premier compte rendu fournit une excellente description de l’aspect
      circulaire et concentrique des parois du Tunnel :
    
    
      Lorsque le battement du tambour commença, je cherchai dans ma mémoire des
      lieux que je connaissais et qui pourraient me fournir l’accès que je
      recherchais. Je visualisai quelques endroits qui avaient été importants
      pour moi et qui, pensais-je, pouvaient fonctionner… mais aucun ne semblait
      faire l’affaire ; puis apparut une grotte perchée dans les hauteurs à
      Pyramid Lake, dans le Nevada, mystérieuse et avec une belle vue, mais cela
      me semblait être un tunnel terriblement long que je devrais traverser pour
      voyager à partir de là-haut ; finalement, il y eut une grotte
      majestueuse de mon enfance, un de ces lieux touristiques ; était-elle
      appelée « Ruby Cave » ? Elle se trouvait quelque part dans
      le Sud, peut-être en Géorgie ou en Caroline du Nord.
    
    
      Quoi qu’il en soit, elle était pleine de stalactites et de stalagmites
      – une vraie grotte. J’avançai dans une zone obscure et étroite
      et je trouvai non pas la grotte de mes rêves d’enfance avec des animaux,
      des dragons et toutes sortes de bêtes, mais un nouveau type de grotte. Des
      anneaux concentriques faits d’ombre et de lumière s’ouvrirent autour de
      moi et semblèrent me transporter avec eux. J’eus l’impression que c’était
      le tunnel, et non moi, qui se déplaçait. Au commencement, les anneaux
      étaient circulaires, mais ils changèrent de forme et devinrent des
      ellipses verticales, toujours concentriques et toujours mouvantes. Les
      motifs alternants faits d’ombre et de lumière me faisaient un peu penser à
      une lueur prise entre les stries d’un tuyau ondulant.
    
    
      De temps en temps, je fis preuve d’impatience en voyant que le tunnel
      semblait ne plus finir ; puis je me rappelai que, bien qu’il eût été
      agréable de voir ce qu’il y avait au-delà du tunnel, ce dernier
      constituait déjà en lui-même une expérience suffisante. Les ellipses
      verticales changèrent de forme et s’affaissèrent pour former des ellipses
      horizontales qui, après un moment, s’ouvrirent progressivement le long de
      l’axe horizontal et commencèrent à se briser, cédant la place à un paysage
      gris et faiblement illuminé – une mer souterraine –
      au-dessus duquel je passais pendant un certain temps en regardant les
      vagues s’élever, affluer et refluer au-dessous de moi.
    
    
      Le tunnel qui m’avait conduit en ce lieu avait suivi un angle de peut-être
      quinze degrés, descendant légèrement ; mais alors, le ciel sombre
      surmontant cette mer souterraine me dirigea dans un autre tunnel qui
      bifurqua immédiatement vers le bas à angle droit, et je fus comme
      transporté par lui. Ses murs étaient à nouveau des cercles concentriques
      d’ombre et de lumière à présent familiers, qui semblaient presque me
      pousser en avant ; je n’éprouvais pas la sensation d’une chute, mais
      celle d’un mouvement tout à fait volontaire.
    
    
      Je fus surpris de m’entendre rappelé par le signal du retour, et c’est
      avec regret que je me permis de revenir, quelque peu désappointé de
      n’avoir pas atteint l’extrémité du tunnel et, en même temps, stupéfait par
      cette expérience. Le retour en soi fut facile et rapide. Je garde encore
      un sentiment de découverte et d’émerveillement.
    
    
       
    
    
      La deuxième personne utilisa également une grotte comme entrée dans la
      terre et nota avoir fait l’expérience d’un état de conscience proche du
      sommeil :
    
    
       
    
    
      Je choisis une grotte qui m’est familière : j’y suis déjà allé quatre
      ou cinq fois. Elle se trouve dans une forêt et le diamètre de l’entrée est
      d’environ un mètre et demi. On descend dans une grande pièce avec
      plusieurs passages et ça continue plus bas au cœur d’une montagne. Je dus
      franchir des crevasses qui étaient assez profondes et, à un moment, je
      suis arrivé à un endroit où l’on doit littéralement se tortiller pour
      passer – très difficile d’y arriver tout seul.
    
    
      Je continuai à descendre jusqu’au point le plus profond de la grotte où je
      m’étais déjà rendu. Je n’étais jamais allé plus loin. Mais j’ai simplement
      continué à avancer et je sortis par une autre entrée, ou plutôt, dans ce
      cas, une issue qui ouvrait sur une île tropicale avec une belle et immense
      plage, des oiseaux tropicaux et beaucoup de végétation tropicale. Rien de
      moins qu’un paradis !
    
    
      Puis je revins. C’était comme si j’avais dormi, mais je me connais
      suffisamment pour savoir quand je suis en train de dormir ; et ce
      n’était pas le cas.
    
    
       
    
    
      Autre témoignage dans lequel une grotte est utilisée comme entrée :
    
    
       
    
    
      Il me sembla que je pris beaucoup de temps pour me préparer. Je me
      concentrai finalement sur une grotte que j’avais visitée en France, et
      dans laquelle des hommes préhistoriques avaient vécu. J’entrai et
      continuai à marcher et marcher encore. Le tunnel ne sembla pas rétrécir en
      deçà de ma taille, aussi je n’eus pas à ramper. J’ai simplement continué à
      marcher. Finalement, le tunnel s’est élargi en une vaste ouverture. Je la
      franchis et là je trouvais une falaise. J’en fis le tour et grimpai sur
      l’escarpement pour finalement me retrouver assis au-dessus de l’ouverture.
      La vue était superbe, très profonde et large. Puis je revins.
    
    
       
    
    
      Les personnes dotées de potentialités chamaniques inhabituelles peuvent,
      même durant cette première expérience, non seulement voir, mais toucher,
      entendre et sentir au cours de leurs expériences. Dans l’exemple suivant,
      la personne éprouva la sensation de grimper avec les mains et les genoux,
      puis celle de glisser et ressentit le froid de l’eau, en plus de
      simplement voir :
    
    
       
    
    
      Je commençai mon voyage à partir d’une petite source située sur la
      propriété où je vis en ce moment. Je me sentis rapetisser à mesure que je
      me faufilais sous un gros rocher. Je pénétrai dans un minuscule couloir
      humide qui suivit une direction ascendante pendant un certain temps. Je me
      sentis grimper avec mes mains et mes genoux. Il faisait très sombre
      là-dedans. Le tunnel devint si obscur que je ne pus plus distinguer
      l’ouverture. Puis, soudain, ce fut la descente et je ne savais pas où elle
      conduisait. Je me sentis glisser sur les rochers humides et aboutir au
      sein d’un vaste espace où se trouvait un bassin d’eau. L’eau était très
      froide.
    
    
      De l’autre côté du bassin, il y avait une faible lueur et je sentis qu’il
      devait y avoir quelque chose au-delà ou au-dehors, aussi je traversai le
      bassin, à moitié à gué et à moitié en nageant. Je me souviens de la
      sensation d’avoir très froid. Ensuite, je dus monter par un petit couloir
      en pente escarpée, comme dans une grotte. J’émergeai dans une prairie qui
      était verdoyante et ombragée par un énorme chêne. Je m’assis sous le chêne
      et découvris que je portais des vêtements de cuir, comme des jambières
      indiennes et une chemise indienne.
    
    
      Je me trouvais bien sous cet arbre lorsqu’il fallut revenir. Je fus
      contrarié de devoir rentrer mais, en bon élève, je suivis les instructions
      et retournai vers l’endroit où je dus grimper pour sortir du bassin. Je
      m’aperçus que je ne portais plus les jambières, mais des jeans et mes
      souliers de grimpe. Puis je ressortis par la petite source. Le ciel était
      un peu gris, couvert. Ce voyage me donna la sensation d’être chez moi,
      comme si j’étais revenu à l’endroit où j’étais complètement à ma place.
    
    
       
    
    
      Dans l’expérience suivante, le voyageur perçut non seulement « un sol
      froid et humide », mais il entendit également le murmure de l’eau et
      sentit le souffle du vent alors qu’il se tenait sur le haut d’une colline
      dans le Monde d’en bas :
    
    
       
    
    
      J’eus quelques problèmes pour partir parce que lorsque vous nous avez dit
      de choisir une ouverture pour entrer, j’avais deux images en tête. J’en
      essayai une, qui était une sorte de grotte dans le flanc d’une colline
      qu’un bulldozer avait creusée. Je grimpai dans cette grotte, mais elle ne
      menait nulle part – je ne pus visualiser une ouverture.
    
    
      Alors, j’ai essayé l’autre endroit, un tronc d’arbre creux situé sur la
      propriété d’un de mes amis – j’y étais allé il y a un mois
      environ. Je rampai à l’intérieur du tronc et descendis dans un passage
      juste assez large pour moi. Je le franchis en rampant sur le ventre.
    
    
      Ce n’était pas une sensation désagréable comme de la boue, mais simplement
      une sorte de sol froid et humide. J’entendis quelque part le murmure de
      l’eau. La propriété dont je parle ici est traversée par un ruisseau. Je
      pouvais entendre l’eau couler, comme si j’étais en train de me déplacer
      sous le ruisseau. Je rampai sur une longue distance et débouchai sur le
      haut d’une colline.
    
    
      J’eus de vraiment bonnes sensations en regardant du haut de la colline
      dans toutes les directions. Alors que je me tenais là, debout, je pouvais
      sentir le vent venir de derrière moi. C’est comme si le vent me
      remplissait d’une sensation vraiment agréable.
    
    
      Puis, lorsque vous nous avez demandé de revenir, je suis redescendu de la
      colline et j’ai rebroussé chemin. Je ressentis une sorte d’angoisse
      lorsque le rythme du tambour s’accéléra, comme si mon cœur battait plus
      vite ; c’était comme si je n’étais pas certain de pouvoir rentrer à
      temps. En fait, j’essayais de revenir, mais l’ouverture était étroite.
      Finalement, lorsque vous avez frappé une dernière fois sur le tambour,
      j’ai vu comme un éclair de lumière.
    
    
       
    
    
      Ici la personne n’éprouva pas simplement une sensation olfactive, mais
      découvrit aussi une nouvelle ouverture souterraine par laquelle revenir à
      la surface :
    
    
       
    
    
      Je commençai par nager dans l’océan. Puis je fus happé par un énorme
      tourbillon large de plusieurs centaines de mètres qui m’entraîna toujours
      plus bas et plus bas et plus bas et plus bas. Cela dura la plus grande
      partie du voyage. Je ne cessai de penser : « Comment vais-je
      atterrir sans dommage ? » Je m’extirpai finalement du tourbillon
      et je tombai sur une énorme marguerite. Elle était assez grande pour
      amortir ma chute. Elle sentait très bon. Puis, vous avez donné le signal
      du retour, et j’ai trouvé une grotte, un ensemble de cavernes, par
      lesquelles je suis revenu en un clin d’œil.
    
    
       
    
    
      Le cas suivant illustre la façon dont une personne en ECC apprend de
      nouvelles aptitudes, comme par exemple celle qui permet de « nager à
      travers la terre ». Ainsi se produit l’accumulation empirique du
      savoir chamanique lié à des choses impossibles à faire dans la réalité
      ordinaire :
    
    
       
    
    
      Je descendis dans le tunnel et trouvai de l’eau au fond. Je me sentis
      entrer dans l’eau, mais je dus rester là un moment, à essayer de trouver
      des fissures dans le rocher, car je ne voyais vraiment pas comment voyager
      dans la roche. Puis je découvris qu’en étendant mes membres et en
      m’aplatissant un peu plus, je pouvais nager à travers la terre.
    
    
       
    
    
      De façon semblable, le chamane en ECC apprend à se métamorphoser en
      d’autres formes matérielles, comme le montre le cas suivant. Remarquez
      comment cette personne, au cœur d’une transformation aussi radicale, était
      simultanément consciente de l’existence de la réalité ordinaire. C’est un
      phénomène courant dans la pratique chamanique : une partie de la
      conscience reste en ECO afin de voir ce qui se passe dans la réalité
      ordinaire et de fournir un pont pour un retour rapide en ECO :
    
    
       
    
    
      Je traversai une clairière dans les bois que je connaissais depuis ma
      petite enfance. En la parcourant, j’étais tout à fait conscient de ma
      petitesse, alors que tout était bien plus énorme que moi. C’était comme si
      j’étais dans un tunnel. J’étais très conscient des sons et des odeurs des
      bois, ainsi que de ma taille.
    
    
      J’entrai dans une grotte, mais elle n’était pas très profonde. Soudain, je
      me dissous et me métamorphosai en eau afin de m’infiltrer dans les
      fissures de la roche, tout en étant couché. J’avais en même temps
      conscience de tout ce qui se passait ici, dans la pièce, et je vous
      entendais battre le tambour. Ainsi étais-je simultanément dans deux
      réalités. Puis je revins par le même chemin.
    
    
       
    
    
      Il arrive qu’en suivant le Tunnel on perde son chemin ou l’on se retrouve
      « emmuré ». Cela arrive même aux chamanes jívaro les plus
      expérimentés. Si vous ne pouvez trouver une issue, détendez-vous et
      attendez un moment. Vous reviendrez sans effort, même si c’est avec une
      certaine lenteur, comme dans le cas suivant :
    
    
       
    
    
      Un jour, je vis des écureuils terrestres alors que je campais ; il y
      avait des terriers partout. Aussi, c’est par là que je suis descendu ;
      par l’un de ces terriers. Au départ, je commençai à avancer dans ces
      petits tunnels. Puis, soudain, j’atteignis un endroit où le tunnel
      descendait tout droit en pente rapide, et je commençai à glisser très vite
      tout droit vers le bas. Je ne pouvais voir l’extrémité du tunnel, qui
      continua pendant un certain temps. Je ne pouvais pas m’arrêter, et je ne
      savais pas où j’allais. L’obscurité était totale. Pendant un moment, je
      fus quelque peu désorienté, là au fond. Je ne revins pas aussi vite que
      j’étais descendu, mais je finis par regagner la surface, même si ce fut
      par un autre chemin.
    
    
       
    
    
      Même un chamane expérimenté peut être arrêté par un obstacle pendant sa
      descente. Il n’y a rien d’autre à faire que de rebrousser chemin, comme le
      fit cette personne :
    
    
       
    
    
      Je descendis par une source chaude au milieu d’une rivière. Elle surgit en
      quelque sorte du fond de l’eau. Je descendis et visualisai à quoi cela
      pouvait ressembler ; sans couleurs et sans beaucoup de détails. Puis,
      je terminai ma descente près d’une plaque de lave ou de magma. Je ne
      savais pas comment la pénétrer pour voyager en elle. J’étais simplement
      coincé là et je ne savais que faire. Alors, vous avez tapé le tambour pour
      que nous revenions, et je suis revenu.
    
    
       
    
    
      Même lors du premier voyage, une personne dotée de potentialités
      chamaniques exceptionnelles peut rencontrer des animaux, des plantes ou
      même des formes humaines, comme dans le cas suivant. Le fait que cette
      personne ait volé lors de sa première expérience montre ses capacités
      particulières. Remarquez également comment, à l’instar du chamane inuit,
      elle a dû lutter pour pouvoir pénétrer dans la terre. Même pour ceux qui
      possèdent de considérables potentialités, la pratique chamanique est
      parfois difficile :
    
    
       
    
    
      J’entrai dans de vastes cavernes que je connais. Je me souvins qu’il y
      avait un endroit qu’ils n’avaient pas encore exploré, alors j’y suis
      descendu. C’était très étroit pendant longtemps, et je dus me faufiler et
      pousser pour passer. Puis, soudain, le passage s’ouvrit sur une zone
      vraiment vaste. Je marchai, marchai, marchai longtemps et je voyageai,
      voyageai, voyageai. Je réalisai que le voyage serait très long, aussi
      commençai-je à voler.
    
    
      Je me déplaçai très rapidement, en volant sur tout le trajet. Lorsque
      j’atteignis ce qui pouvait être le centre, il y avait tous ces esprits de
      la nature, ces corps éthérés, un peu partout. Au début, ils se tenaient
      debout autour de moi, puis ils commencèrent à danser au rythme du tambour.
      Ils allaient tous dans la même direction en même temps, et j’en voyais de
      différentes sortes. Il y en avait un qui était une grenouille aux grands
      yeux, qui paraissait vraiment bizarre, et un autre qui était un arbre très
      haut. Ils se mouvaient tous au son du tambour. Puis, je revins lorsque
      vous nous dîtes de revenir.
    
    
       
    
    
      Cette personne rencontra une sorte d’« oiseau ptérodactyle » et
      comprit, avec une confiance toute chamanique, qu’il n’y avait pas de quoi
      être effrayé :
    
    
       
    
    
      Je descendis par le puits d’une vieille mine abandonnée qui s’obscurcit
      lorsque j’y arrivai. D’une certaine manière, je ne parvins pas vraiment à
      commencer le voyage. Puis une plateforme flanquée de roues apparut et
      commença à me faire descendre dans ce puits. Assez rapidement, le puits
      fut de plus en plus illuminé, et très jaune. Il y avait de petites cavités
      individuelles. Chacune de ces cavités était occupée par un animal, une
      sorte d’animal préhistorique. Et chacun de ces animaux faisait quelque
      chose ; je ne saurais dire quoi, mais ils étaient en proie à une
      incroyable agitation.
    
    
      Puis la plateforme commença à ralentir. Le puits était toujours aussi
      jaune. Alors que je me retournais pour regarder les animaux, une chose
      sortit du mur, comme une sorte d’« oiseau ptérodactyle » noir et
      rouge. Il était encapuchonné et battait des ailes dans ma direction. Je
      n’eus pas peur ; il me semblait plus taquin qu’autre chose. Alors,
      vous avez donné le signal du retour. À ce moment précis, il agit comme
      s’il voulait que je reste là. La plateforme commença à faire marche
      arrière en direction de l’ouverture, et je revins.
    
    
       
    
    
      Dans notre exemple final de premier voyage, la personne eut l’impression
      d’avoir rapporté une entité bénéfique ou bienfaisante. Il s’agit d’une
      forme classique de travail chamanique que cette personne a simplement
      expérimentée involontairement lors de sa première expérience en ECC. Je
      lui demandai si elle avait déjà entendu parler du travail mené au sein de
      mes séminaires, car cela aurait pu expliquer la nature de son expérience.
      Elle me répondit, cependant, « Non, j’ai essayé d’obtenir des
      informations sur les séminaires, mais je n’ai rien trouvé. » Cette
      personne possède sans doute un potentiel chamanique considérable :
    
    
       
    
    
      Je commençai le voyage à partir d’une source. J’y plongeai et suivis le
      cours de l’eau à travers le tunnel. Puis, j’émergeai là où une autre
      source jaillissait dans une clairière sur le flanc d’une montagne. Je me
      tenais face au nord-ouest – d’une manière ou d’une autre, je
      savais qu’il s’agissait du nord-ouest.
    
    
      Je m’assis entre la source à ma gauche et la forêt à ma droite. C’était
      parfait. Aucun autre lieu de cette région ne semblait me convenir, mais
      celui-là était parfait.
    
    
      Puis je revins. Je plongeai simplement dans la source et nageai vers
      l’ouverture de départ. La chose étrange fut que lorsque je revins et
      émergeai, j’eus l’impression distincte que quelque chose était revenu avec
      moi. Cela se tenait juste derrière moi. C’était bénéfique ou bienfaisant ;
      rien de mauvais.
   

29 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE chapitre 2

Le voyage chamanique : une introduction
    
    
      Chamane est un mot de la langue des Tungus ou Toungouses de Sibérie
      – appelés aujourd’hui « Evenk » – qui a
      été largement adopté par les anthropologues pour désigner des personnes
      qui, dans une grande variété de cultures non occidentales, étaient
      auparavant connues sous les appellations de « sorcière », « sorcier »,
      « homme-médecine », « enchanteur », « homme de
      magie », « magicien » ou « voyant ».
      Contrairement à ces étiquettes familières, le terme chamane a l’avantage
      de ne pas être chargé de préjugés ou de significations contradictoires.
      Qui plus est, il ne suffit pas d’être un homme-médecine ou un sorcier pour
      être un chamane.
    
    
      Un chamane est un homme ou une femme qui entre – volontairement –
      dans un état modifié de conscience afin de contacter et d’utiliser une
      réalité qui est d’ordinaire cachée, en vue d’acquérir de la connaissance
      et du pouvoir, ainsi que pour aider d’autres personnes. Le chamaneIX
      possède au moins un, et généralement plusieurs, « esprits » à
      son service.
    
    
      Comme l’observe Mircea Eliade, le chamane se distingue des autres
      magiciens et hommes-médecine par son utilisation d’un état de conscience
      qu’Eliade, suivant la tradition mystique occidentale, appelle « extase ».
      Mais la pratique de l’extase seule, souligne-t-il avec justesse, ne
      définit pas le chamane, parce que le chamane dispose de techniques
      d’extase spécifiques. Eliade explique que par conséquent, « on ne
      peut donc pas considérer n’importe quel extatique comme un chamane ;
      [le chamane] est le spécialiste d’une transe, pendant laquelle son âme est
      censée quitter son corps pour entreprendre des ascensions célestes ou des
      descentes infernales »6. À cela,
      j’ajouterais que, dans sa transe, le chamane travaille normalement en vue
      de guérir un patient en restaurant son pouvoir bénéfique ou vital, ou en
      aspirant des forces nuisibles. Le voyage auquel Eliade se réfère est
      spécialement entrepris afin de restaurer le pouvoir ou de retrouver une
      âme perdue.
    
    
      L’état de conscience extatique, ou modifié, et la perspective acquise qui
      caractérisent le travail chamanique peuvent être utilement appelés État de
      conscience chamanique (qui sera à partir de maintenant désigné sous
      l’abréviation ECC). L’ECC comporte non seulement une transe ou un état de
      conscience transcendant, mais également une conscience des méthodes et des
      postulats chamaniques acquis dans cet état. L’ECC s’oppose à l’État de
      conscience ordinaire (ECO), au sein duquel le chamane retourne après avoir
      mené à bien son travail spécifique. L’ECC est la condition cognitive dans
      laquelle sont perçues la « réalité non ordinaire » de Carlos
      Castaneda et les « manifestations extraordinaires de la réalité »
      de Robert Lowie7.
    
    
      L’aspect acquis de l’ECC inclut des informations sur la géographie
      cosmique de la réalité non ordinaire, afin que l’on puisse savoir où
      voyager pour trouver la plante ou l’animal (ou tout autre pouvoir)
      approprié. Cela inclut la connaissance des moyens par lesquels l’ECC
      permet d’accéder au Monde d’en bas chamanique.
    
    
      Cette connaissance implique que le chamane soit conscient qu’il doit mener
      une mission spécifique en ECC. On n’entre pas dans la réalité non
      ordinaire pour s’amuser, mais pour un but sérieux. Le chamane est une
      personne qui a du travail à faire en ECC, et il doit connaître les
      méthodes fondamentales visant à accomplir ce travail. Si, par exemple, il
      désire recouvrer un animal de pouvoir gardien pour un patient dans le
      Monde d’en bas, il doit connaître la technique lui permettant d’accéder à
      ce monde, de trouver l’animal de pouvoir et de le ramener en toute
      sécuritéX. Par conséquent, il doit, en ECO, connaître
      les instructions à donner au patient.
    
    
      En ECC, le chamane éprouve une joie ineffable caractéristique devant ce
      qu’il voit, une admiration respectueuse face aux mondes superbes et
      mystérieux qui s’ouvrent devant lui. Ses expériences sont semblables à des
      rêves éveillés qui paraissent réels et au sein desquels il peut contrôler
      ses actions et diriger ses aventures. Alors qu’il est en ECC, le chamane
      est souvent stupéfait par la réalité de ce qui lui est présenté. Il
      parvient à accéder à un univers entièrement nouveau, pourtant familier et
      ancien, qui lui fournit des informations profondes à propos du sens de sa
      propre vie et de sa propre mort, ainsi que sur sa place dans la totalité
      de toute existence. Durant ses grandes aventures en ECC, il maintient un
      contrôle conscient sur la direction de ses voyages, mais ne sait pas ce
      qu’il découvrira. Il est un explorateur indépendant dans les palais
      infinis d’un splendide univers caché. Enfin, il rapporte ses découvertes
      afin d’enrichir son savoir et d’aider les autres.
    
    
      Le chamane est un voyant accompli qui pratique généralement dans
      l’obscurité, la nuit ou au moins avec les yeux couverts, afin de « voir »
      clairement. Certaines formes de vision chamanique peuvent être réalisées
      les yeux ouverts, mais cette sorte de perception est souvent d’une nature
      moins profonde. Dans l’obscurité, le chamane n’est pas distrait par la
      réalité et peut se concentrer sur les aspects de la réalité non ordinaire
      essentiels à son travail. Mais, l’obscurité seule ne suffit pas à la
      vision chamanique. Le voyant doit également entrer en ECC, assisté par le
      son du tambour, par des hochets, des chants et de la danse.
    
    
      L’illumination chamanique est la capacité propre à éclairer l’obscurité, à
      voir dans cette obscurité ce que les autres ne peuvent percevoir. Il
      pourrait s’agir, en fait, de la plus ancienne signification du mot
      illumination. Par exemple, la capacité spéciale du chamane inuit iglulik à
      voir est appelée son qaumanEq, c’est-à-dire son éclairement ou
      son illumination, « […] qui lui permet de voir dans le noir, à la
      fois littéralement et métaphoriquement, car il peut maintenant, même les
      yeux fermés, voir à travers l’obscurité et percevoir des choses et des
      événements futurs dissimulés aux autres ; ainsi regardent-ils dans le
      futur et dans les secrets des autres »8. Aua, un
      chamane inuit iglulik, décrivit ainsi son illumination chamanique :
    
    
       
    
    
      Je cherchai à devenir un chamane avec l’aide des autres chamanes ;
      mais je n’y réussis pas. Je rendis visite à de nombreux chamanes célèbres
      et leur offris de grands cadeaux. […] Je me réfugiai dans la solitude, et
      là, je devins rapidement très mélancolique. Je fondais parfois en larmes
      et me sentais malheureux sans savoir pourquoi. Puis, sans raison, tout
      changea soudain, et je ressentis une grande et inexplicable joie, une joie
      si puissante que je ne pouvais la réfréner, et que je dus exprimer en un
      chant, un chant grandiose, qui ne laissa de place que pour un seul mot :
      joie, joie ! Et je dus utiliser toute la force de ma voix. Puis, au
      sein d’un tel ravissement irrésistible et mystérieux, je devins un
      chamane, en ne sachant pas comment cela m’était arrivé. Mais j’étais un
      chamane. Je pouvais voir et entendre d’une façon totalement différente.
      J’avais atteint mon qaumanEq, mon illumination, la lumière
      chamanique du cerveau et du corps, et cela d’une telle manière que ce
      n’était pas seulement moi qui pouvais voir à travers l’obscurité de la
      vie, mais la même lumière émanait également de moi, imperceptible aux
      êtres humains, et pourtant visible à tous les esprits de la terre, du ciel
      et de la mer, et ils venaient à présent vers moi et devenaient mes esprits
      alliés.9
    
    
       
    
    
      Chez les Wiradjeri d’Australie, le chamane néophyte atteint l’illumination
      en étant aspergé d’une eau de pouvoir sacrée, qui est considérée comme du
      quartz liquéfié. Eliade observe que « tout ceci revient à dire que
      l’on devient chamane lorsqu’on est farci avec de la “lumière solidifiée”,
      c’est-à-dire avec des cristaux de quartz […] ». Il suggère qu’« ils
      établissent une relation entre la condition d’un être surnaturel et une
      surabondance de lumière »10.
    
    
      La perception d’un chamane en tant qu’être auquel la lumière est donnée,
      notamment sous la forme d’une couronne ou d’une aura qui émerge de la
      tête, s’applique également aux Jívaro. Le halo, qui est multicolore, ne se
      forme que lorsque le chamane est dans un état modifié de conscience induit
      par l’ayahuasca.
    
    
      Il ne peut être vu que par un autre chamane en état de conscience
      similaire (voir l’illustration 1).
    
    
      01VDCp23
      
        Illustration 1. Halo doré autour de la tête d’un chamane jívaro dans un
        état modifié de conscience ; dessin d’un autre chamane jívaro
      
    
    
      Alors que le chamane jívaro irradie de la lumière, il est capable de voir
      dans l’obscurité, et même à travers des matériaux ordinairement opaques.
      Comme je l’ai décrit ailleurs :
    
    
       
    
    
      Il avait bu, et maintenant, il chantait doucement. Progressivement, des
      traits et des formes vagues commencèrent à apparaître dans l’obscurité, et
      la musique aiguë des tsentsak, les esprits alliés, s’éleva autour
      de lui. Le pouvoir de la boisson les nourrissait.
    
    
      Il appela, et ils vinrent. D’abord pangi, l’anaconda, s’enroula
      autour de sa tête, et se transforma en une couronne d’or. Puis wampang,
      le papillon géant, voleta par-dessus ses épaules et chanta pour lui avec
      ses ailes. Des serpents, des araignées, des oiseaux et des chauves-souris
      dansèrent dans l’air au-dessus de lui. Sur ses bras apparurent un millier
      d’yeux tandis que ses démons alliés émergeaient pour sonder la nuit à la
      recherche d’ennemis.
    
    
      Le son de l’eau jaillissante emplit ses oreilles, et comme il écoutait son
      mugissement, il sut qu’il possédait le pouvoir de Tsungi, le premier
      chamane. Maintenant, il pouvait voir.11
    
    
       
    
    
      Les chamanes pratiquent souvent dans une maison plongée dans l’obscurité
      totale, ou bien ils laissent brûler un petit feu ou une lampe ; mais
      parfois, même une quantité minime de lumière peut entraver la vision
      chamanique. Ainsi, chez les Chukchi (Tchouktches) de Sibérie, la réunion
      chamanique…
    
    
       
    
    
      […] commença, comme d’habitude, dans le noir ; mais lorsque le
      chamane cessa soudain de battre le tambour, la lampe fut rallumée et son
      visage fut immédiatement couvert d’une pièce de tissu. La maîtresse de
      maison, qui était la femme du chamane, prit le tambour et commença à en
      jouer avec des battements légers et lents. Cela dura tout le temps de la
      session.12
    
    
       
    
    
      Je laisse généralement une bougie allumée sur le plancher de la pièce
      obscure, lorsque j’entre en ECC, ensuite, lorsque je m’allonge ou tombe
      sur le sol, je me couvre simplement les yeux avec l’avant-bras gauche pour
      exclure toute lumière.
    
    
      Lorsque le chamane tombe – soit lentement, soit brusquement –
      sur le sol en terre battue de la maison, les Chukchi disent qu’il « coule »,
      ce qui désigne non seulement son acte matériel, visible par ceux qui se
      trouvent dans la maison, mais également « la croyance que, durant la
      période d’extase, le chamane est capable de visiter d’autres mondes, et
      spécialement celui qui est souterrain »13. De
      façon semblable, le chamane inuit qui se prépare à faire le voyage est
      désigné comme étant celui qui « tombe au fond de la mer »14. Il ne tombe pas seulement sur le sol de la
      maison (ECO), mais tombe dans un Monde d’en bas océanique (ECC).
    
    
      Le voyage chamanique est l’une des tâches les plus importantes à
      entreprendre. La forme fondamentale de ce voyage, la plus facile à
      apprendre, est le voyage vers le Monde d’en bas. Pour l’entreprendre, un
      chamane dispose d’une ouverture ou d’une entrée spéciale vers le Monde
      d’en bas, qui existe aussi bien dans la réalité ordinaire que dans la
      réalité non ordinaire. Chez les chamanes indiens de Californie, l’entrée
      était souvent une source, en particulier une source d’eau chaude. Les
      chamanes étaient réputés pour voyager à des centaines de kilomètres sous
      terre, entrant par une source d’eau chaude et sortant par une autre. Les
      chamanes australiens de la tribu des Chepara étaient aussi censés plonger
      dans le sol et revenir à la surface quand ils le voulaient, et ceux de
      l’île Fraser pouvaient « entrer dans la terre et en ressortir à une
      distance considérable »15. De
      manière similaire, un chamane de la tribu des Bushmen !Kung, dans le
      désert du Kalahari d’Afrique du Sud, raconta ceci :
    
    
       
    
    
      Mon ami, c’est la voie de ce n/um [pouvoir]. Lorsque les gens
      chantent, je danse. J’entre dans la terre. Je vais à un endroit où les
      gens boivent de l’eau [un trou d’eau]. Je voyage sur un très long chemin,
      très loin.16
    
    
       
    
    
      Les Indiens de Californie utilisaient aussi une souche d’arbre creuse.
      Chez les Arunta (Aranda) d’Australie, c’était un arbre creux.17 Les Indiens Conibo m’ont appris à suivre les
      racines du catahua géant vers le bas et l’intérieur du sol afin
      d’atteindre le Monde d’en bas. En ECC, les racines se transformaient pour
      moi et mes amis conibo en serpents noirs sur le dos desquels nous
      glissions pour atteindre des terres de forêts, de lacs et de rivières, et
      d’étranges cités éclatantes comme le jour, éclairées par un soleil qui
      avait disparu du monde ordinaire qui était au-dessus – car ces
      voyages étaient menés durant la nuit.
    
    
      Les autres entrées des chamanes vers le Monde d’en bas incluent des
      grottes, des terriers d’animaux fouisseurs et même des trous spéciaux
      creusés dans le sol en terre battue des maisons. Par exemple, selon des
      observations faites chez les Twana de la côte nord-ouest des États-Unis,
      le sol était souvent physiquement ouvert pour la descente.18
    
    
      Les entrées vers le Monde d’en bas conduisent généralement dans un tunnel
      ou un tube qui mène le chamane vers une sortie, laquelle ouvre sur des
      paysages éclatants et merveilleux.
    
    
      À partir de là, le chamane voyage où il le désire pendant plusieurs
      minutes ou même plusieurs heures, retournant finalement à travers le tube
      (que nous appellerons dorénavant le Tunnel) pour émerger à la surface, à
      l’endroit où il est entré. Rasmussen nous offre une belle description du
      voyage d’un chamane inuit iglulik de la baie de l’Hudson utilisant cette
      méthode classique et largement répandue :
    
    
       
    
    
      Pour les plus grands [chamanes], une voie s’ouvre directement dans
      l’habitation lorsqu’ils invoquent leurs esprits alliés ; une route
      qui descend à travers la terre, s’ils se trouvent dans une tente sur le
      rivage, ou à travers la mer, s’il s’agit d’un igloo bâti sur les glaces,
      et par cette voie, le chamane est conduit sans rencontrer aucun obstacle.
      Il glisse presque comme s’il tombait à travers un tube si bien adapté à
      son corps qu’il peut contrôler sa progression en exerçant une pression sur
      les côtés et n’est pas obligé de tomber rapidement. Ce tube est maintenu
      ouvert pour lui par toutes les âmes de ses homonymes, jusqu’à ce qu’il
      retourne sur Terre.19
    
    
       
    
    
      Lorsqu’un chamane inuit revient de son voyage dans le Monde d’en bas, les
      personnes présentes dans la tente ou l’igloo « peuvent l’entendre
      venir de très loin ; le bruit de son passage à travers le tube ouvert
      pour lui par ses esprits se fait de plus en plus proche, et avec un
      puissant “plu-a-he-he”, il jaillit à sa place derrière le rideau. »20
    
    
      La plupart de ceux qui pratiquent le chamanisme ne trouvent pas le Tunnel
      étroit. En général, il est spacieux et fournit amplement assez d’espace
      pour se mouvoir. Parfois, des obstacles peuvent entraver le passage, mais
      on peut souvent trouver une fissure ou une ouverture pour passer. Avec de
      la patience, on parvient généralement à suivre le Tunnel sans devoir
      abandonner le voyage et rebrousser chemin.
    
    
      Quelquefois, lorsque le chamane pénètre dans le trou, il se retrouve en
      train de monter ou de descendre un ruisseau ou une rivière qui peut ou non
      faire clairement partie du Tunnel. Ainsi, un chamane samoyède tavgi
      racontant son premier voyage à travers l’entrée vers le Monde d’en bas,
      dit ceci :
    
    
       
    
    
      Comme je regardais autour de moi, je vis un trou dans la terre. […] Le
      trou devint de plus en plus large. Nous [lui et son compagnon esprit
      gardien] y descendîmes et parvînmes à une rivière avec deux courants
      coulant en direction opposée. « Eh bien, voici une nouvelle devinette ! »,
      dit mon compagnon, « l’un va du centre au nord, l’autre vers le sud
      – vers la face ensoleillée »21.
    
    
       
    
    
      En ECC, les chamanes exceptionnels non seulement voient, mais entendent,
      sentent et expérimentent même des communications ou des sensations au-delà
      des sens usuels. Ainsi ce chamane samoyède entendit son esprit gardien,
      ainsi une chamane indienne pomo de Californie me raconta comment elle
      sentit un gigantesque animal de pouvoir se mouvoir sous elle alors qu’elle
      voyageait dans le Tunnel à l’intérieur d’une montagne.22
    
    
      Selon des témoignages, chez les Indiens Bellacoola de la côte nord-ouest
      d’Amérique du Nord, chaque habitation possédait un trou dans le sol qui
      était utilisé comme entrée dans le Monde d’en bas :
    
    
       
    
    
      Le monde au-dessous de nous est […] appelé Asiutã’nEm. Les
      descriptions [du Monde d’en bas] sont principalement obtenues de chamanes
      qui croient avoir visité ce pays durant une transe. Selon les affirmations
      d’une vieille femme qui croyait avoir visité, étant petite fille, [le
      Monde d’en bas] durant une transe, l’entrée […] est à travers un trou
      situé dans chaque habitation, entre la porte d’entrée et la cheminée.23
    
    
       
    
    
      De façon remarquablement semblable, l’accès au Monde d’en bas dans les kivas
      circulaires (chambres de cérémonie) des Indiens Zuni du Sud-Ouest des
      États-Unis est un trou situé dans le sol. La différence importante avec
      les Bellacoola est que le trou, appelé sipapu, se trouve dans le
      sol entre la cheminée et le mur (la porte d’entrée est dans le plafond)24. De tels sipapu étaient communs dans
      les kivas préhistoriques des populations des Indiens Pueblo, mais
      sont absents de certaines de leurs kivas contemporaines. Il est
      intéressant de noter qu’en pays zuni, où le sipapu survit dans la
      forme circulaire de la kiva, il en va de même pour les sociétés
      pratiquant la médecine chamanique.25 Quoique
      je n’en possède aucune preuve certaine, je ne serais pas surpris que les
      membres des sociétés chamaniques zuni utilisent ces trous pour accéder au
      Monde d’en bas lorsqu’ils sont en transe.
    
    
      02VDCp27_WEB
      
        Illustration 2. Sepapu [sipapu]. Entrée vers le Monde d’en bas des Hopi
        située dans le Grand Canyon, à l’ouest des villages hopi. Source :
        Center of Astrogeology, États-Unis, rapport géologique.
      
    
    
      Le point de vue ethnologique orthodoxe, cependant, stipule que le sipapu
      des kivas n’est rien de plus qu’un « symbole représentant
      l’ouverture mythique vers le monde souterrain à travers laquelle les
      ancêtres sont censés avoir atteint le monde »26. Les Hopi de Pueblo, au contraire des Zuni, ne
      possèdent pas de sipapu dans le sol de leurs kivas27. Pourtant, ils croient qu’une forme rocheuse
      particulière située à quelque distance de chez eux, et dont le sommet est
      creusé d’un trou, est l’entrée dans le Monde d’en bas, ou le sipapu
      originel (voir l’illustration 2).
    
    
      Que les Hopi puissent l’utiliser dans des visualisations chamaniques pour
      voyager dans le Monde d’en bas n’est pas prouvé, mais c’est une réelle
      possibilité. Puisque la pratique de la médecine chamanique est très
      secrète chez les peuples de Pueblo, les non-Hopi ne pourront jamais en
      être sûrs. Or, une peinture récente d’un artiste hopi, intitulée Se Pa
      Po Nah [sipapu-nah], suggère fortement l’expérience du Tunnel, qui
      est comparable à un mandala (voir l’illustration 3).
    
    
      
      03VDCp28
        Illustration 3. Se Pa Po Nah [sipapu-nah]. Peinture contemporaine de
        l’artiste hopi Milland Lomakema (Dawakema). Source : Broder,
        Patricia Janis. 1978. Hopi Painting : The World of the Hopis,
        Dutton.
      
    
    
      Soit dit en passant, les cercles concentriques d’un mandala ressemblent
      souvent à la forme striée que le Tunnel présente fréquemment et la
      méditation sur le mandala peut conduire à une expérience comparable à
      l’entrée dans le Tunnel.
    
    
      Comme Joan M. Vastokas l’a observé avec perspicacité dans sa thèse portant
      sur certains aspects de l’art chamanique, « […] le motif concentrique
      semble caractéristique de l’expérience visionnaire en soi et se présente
      comme l’ouverture par laquelle le chamane pénètre le Monde souterrain ou
      le Ciel, et transcende ainsi l’univers physique »28.
    
    
      04VDCp29
      
        Illustration 4. Masque de chamane inuit. XIXe siècle,
        de la région de la Lower Yukon River. Source : National Museum of
        Natural History, Smithsonian Institution. Photo : Victor E. Krantz.
      
    
    
      Ainsi, comme elle le souligne, les masques des chamanes inuits de l’Alaska
      ont parfois la forme de « cercles concentriques irradiant à partir
      d’un vide central ». Un exemple d’un tel masque, qui présente une
      ressemblance frappante avec le Tunnel strié, peut être vu sur
      l’illustration 4.
    
    
      De façon semblable, dans le bouddhisme tibétain, qui a été fortement
      influencé par le chamanisme, un mandala très complexe peut parfois
      représenter en son centre un cercle semblable au Tunnel, et servir de lieu
      d’accès aux mondes des dieux et des esprits représentés autour de lui
      (voir l’illustration 5 ; notez la remarquable similarité du
      tanka tibétain avec la peinture de l’entrée du Monde d’en bas de l’artiste
      hopi de l’illustration 3).
    
    
      
      05VDCp30
        Illustration 5. Mandala de Kuring. Tanka du bouddhisme tibétain sur
        tissu, XVe siècle environ. Source :
        The Royal Ontario Museum.
      
    
    
      À l’aide de l’obscurité et des battements du tambour, le chamane ne se
      concentre pas seulement sur un mandala, mais se déplace directement dans
      le Tunnel et au-delà.
   

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15 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE chapitre 1


      La découverte de la voie
    
    
      Mes premières recherches prolongées sur le terrain en tant
      qu’anthropologue eurent lieu en 1956 et 1957, sur les pentes
      orientales boisées des Andes équatoriales, chez les Indiens Jívaro, ou Untsuri
      Shuar. À cette époque, les Jívaro étaient célèbres pour leur coutume
      – aujourd’hui abandonnée – de réduire les têtes et
      pour leur pratique intensive du chamanisme, laquelle se poursuit encore de
      nos jours. Je recueillis alors avec succès de nombreuses informations sur
      leur culture, mais je restai un observateur extérieur au monde des
      chamanes.
    
    
      Quelques années plus tard, l’American Museum of Natural History
      m’invita à entreprendre une expédition d’une année en Amazonie péruvienne
      afin d’étudier la culture des Indiens Conibo de la région du Río Ucayali.
      J’acceptai, enchanté d’avoir l’opportunité de pouvoir conduire de plus
      amples recherches sur les fascinants peuples forestiers de la
      Haute-Amazonie. Ces recherches sur le terrain eurent lieu en 1960 et 1961.
    
    
      Deux expériences particulières avec les Conibo et les Jívaro furent à
      l’origine de ma découverte de la voie du chamane, et j’aimerais les
      partager avec vous. Peut-être dévoileront-elles une partie de l’incroyable
      monde caché qui s’ouvre à l’explorateur chamanique.
    
    
      J’ai vécu presque une année dans un village conibo près d’un lac isolé
      situé sur un affluent du Río Ucayali. Mes recherches anthropologiques sur
      la culture des Conibo s’étaient révélées satisfaisantes, mais mes
      tentatives visant à découvrir des informations sur leur religion ne
      rencontraient que peu de succès. Les gens étaient amicaux, mais hésitaient
      à parler du surnaturel. Finalement, ils me dirent que si je désirais
      vraiment apprendre, je devais boire la boisson sacrée des chamanes, une
      potion à base d’ayahuasca (la liane de l’âme). J’acceptai, avec curiosité
      et excitation, car ils m’avaient averti que l’expérience serait très
      effrayante.
    
    
      Le lendemain matin, mon ami Tomás, l’ancien du village, partit en forêt
      pour couper des lianes. Avant de me quitter, il me dit de jeûner : un
      petit-déjeuner léger et pas de déjeuner. Il revint vers midi avec assez de
      lianes d’ayahuasca et de feuilles de cawa pour remplir un pot
      d’environ cinquante-cinq litres. Il les fit bouillir tout l’après-midi,
      jusqu’à ce qu’il ne restât plus qu’un quart de liquide sombre, qu’il versa
      dans une vieille bouteille. Il le laissa refroidir jusqu’au crépuscule,
      moment, disait-il, où nous le boirions.
    
    
      Les Indiens muselèrent les chiens dans le village afin qu’ils ne puissent
      aboyer. Les aboiements des chiens, m’expliqua-t-on, pouvaient rendre fou
      un homme qui avait pris de l’ayahuasca.
    
    
      On recommanda aux enfants de se tenir tranquilles, et le silence s’étendit
      sur la petite communauté avec le coucher du soleil.
    
    
      Alors que le bref crépuscule équatorial laissait place à l’obscurité,
      Tomás versa environ un tiers de la bouteille dans une calebasse qu’il me
      tendit. Tous les Indiens nous observaient. Je me sentis comme Socrate
      parmi ses compatriotes athéniens, acceptant la ciguë – il me
      vint à l’esprit que l’un des autres noms donnés à l’ayahuasca par les
      peuples de l’Amazonie péruvienne était « la petite mort ». Je
      bus la potion rapidement. Son goût était étrange, légèrement amer. Puis
      j’attendis que Tomás bût à son tour, mais il me déclara qu’après tout il
      avait décidé de ne pas participer.
    
    
      Ils m’avaient allongé sur une plateforme de bambou sous le grand toit de
      chaume de la maison communautaire. Le village était silencieux, à part le
      grésillement des criquets et les appels lointains d’un singe hurleur au
      plus profond de la jungle.
    
    
      Alors que je regardais vers le haut dans l’obscurité, des lignes de
      lumière à peine perceptibles apparurent. Elles devinrent plus précises et
      complexes, et éclatèrent en couleurs brillantes. Un bruit arriva de très
      loin, comme celui d’une chute d’eau, et augmenta peu à peu jusqu’à emplir
      mes oreilles.
    
    
      Quelques minutes plus tôt, j’avais éprouvé de la déception, persuadé que
      l’ayahuasca n’aurait aucun effet sur moi. À présent, le son de l’eau
      jaillissante inondait mon cerveau. Mes mâchoires commençaient à
      s’engourdir et cet engourdissement remontait vers mes tempes.
    
    
      Au-dessus de ma tête, les lignes de lumière devinrent plus brillantes et
      s’entrelacèrent progressivement jusqu’à former une voûte semblable à la
      mosaïque géométrique d’un vitrail. Des nuances d’un violet éclatant
      formèrent un toit en expansion perpétuelle au-dessus de moi. Au sein de
      cette caverne céleste, j’entendis le son de l’eau s’amplifier et je pus
      percevoir de pâles figures se mouvant comme des ombres. Comme mes yeux
      semblaient s’adapter aux ténèbres, cette scène mouvante se transforma en
      une sorte d’énorme foire, un carnaval surnaturel de démons. Au centre,
      présidant aux activités et me regardant directement, siégeait une
      gigantesque tête de crocodile grimaçante dont les mâchoires caverneuses
      laissaient jaillir un flot d’eau torrentiel. Lentement, les eaux
      s’élevèrent, de même que la voûte au-dessus d’elles, jusqu’à ce que la
      scène se métamorphose en une simple image divisée en deux : le ciel
      bleu en haut et la mer en bas. Toutes les créatures s’étaient évanouies.
    
    
      Alors, depuis ma position proche de la surface de l’eau, je commençai à
      apercevoir deux étranges bateaux qui se balançaient dans un mouvement de
      va-et-vient et flottaient dans les airs en se rapprochant de moi. Ils
      fusionnèrent lentement pour former un seul vaisseau avec une énorme proue
      à tête de dragon, semblable à celle d’un navire viking. Au milieu du
      navire se trouvait une voile carrée. Progressivement, alors que le bateau
      flottait doucement au-dessus de moi dans son mouvement de va-et-vient,
      j’entendis un son sifflant rythmé et je compris qu’il s’agissait d’une
      galère géante avec plusieurs centaines de rames se mouvant d’avant en
      arrière à la cadence du son.
    
    
      Je pris également conscience du plus beau chant que j’aie entendu de ma
      vie, d’un registre aigu, éthéré, émanant de myriades de voix à bord de la
      galère. Alors que j’examinais plus attentivement le pont, je pus discerner
      un grand nombre d’êtres avec des têtes de geai bleu et des corps d’êtres
      humains, semblables aux dieux à tête d’oiseau des peintures des anciennes
      tombes égyptiennes. Au même moment, une sorte d’essence-énergie commença à
      flotter de ma poitrine jusque dans le navire. Bien que je me considère
      comme athée, j’eus la certitude absolue que j’étais en train de mourir et
      que les êtres à tête d’oiseau étaient venus pour emporter mon âme sur le
      navire. Alors que le flot d’âme continuait à sortir de ma poitrine, je
      pris conscience de l’engourdissement qui gagnait progressivement les
      extrémités de mon corps.
    
    
      À partir de mes bras et de mes jambes, mon corps commença lentement à
      donner l’impression qu’il se transformait en béton. Je ne pouvais plus
      bouger ni parler. À mesure que l’engourdissement gagnait ma poitrine, en
      direction de mon cœur, je tentai d’ouvrir la bouche pour appeler à l’aide
      et demander un antidote aux Indiens. J’eus beau essayer, je ne parvins
      cependant pas à maîtriser suffisamment mes forces pour prononcer un seul
      mot. Simultanément, mon abdomen sembla se transformer en pierre, et je dus
      faire un énorme effort pour que mon cœur continue à battre. Je commençai à
      appeler mon cœur « mon ami, mon ami le plus cher », à lui
      parler, à l’encourager à battre avec toute l’énergie qui me restait.
    
    
      Je pris conscience de mon cerveau. Je sentis – physiquement –
      qu’il s’était divisé en quatre plans séparés et distincts. Sur le plan le
      plus en surface était l’observateur et commandant, conscient de la
      condition de mon corps et responsable des tentatives visant à maintenir
      les battements de mon cœur. Il percevait, mais uniquement en tant que
      spectateur, les visions émanant de ce qui semblait être les couches les
      plus basses de mon cerveau. Immédiatement au-dessous du plan le plus
      élevé, je sentais une couche engourdie qui paraissait avoir été mise hors
      de fonctionnement par la drogue – elle était tout simplement
      absente. Le plan suivant, qui était encore plus bas, était la source de
      mes visions, dont celle du bateau des âmes.
    
    
      À présent, j’eus la quasi-certitude que j’étais sur le point de mourir.
      Alors que j’essayais d’accepter mon sort, une partie encore plus profonde
      de mon cerveau commença à transmettre plus de visions et d’informations.
      On me « dit » qu’elles m’étaient présentées parce que j’étais en
      train de mourir et que je pouvais par conséquent recevoir ces révélations
      sans risques. Je fus informé que c’étaient les secrets réservés aux
      mourants et aux morts. Je ne pouvais percevoir que très vaguement les
      êtres qui m’envoyaient ces pensées : des créatures reptiliennes
      géantes reposant paresseusement au sein des couches les plus profondes de
      l’arrière de mon cerveau, là où il rencontrait le sommet de la colonne
      vertébrale. Je ne pouvais que les discerner vaguement au cœur de ce qui
      semblait être des profondeurs obscures et ténébreuses.
    
    
      Puis, les créatures projetèrent une scène visuelle en face de moi. Tout
      d’abord, elles me montrèrent la planète Terre telle qu’elle était il y a
      des éons, avant qu’apparaisse la vie. Je vis un océan, une terre stérile
      et un ciel bleu vif. Puis des grains noirs tombèrent du ciel par centaines
      et atterrirent en face de moi sur le paysage aride. Je pus voir que ces
      grains étaient en réalité de grandes créatures noires et luisantes aux
      larges ailes de ptérodactyles et aux immenses corps de baleines. Je ne
      pouvais pas voir leur tête. Elles s’affalèrent, complètement épuisées par
      leur voyage, se reposant pendant des éons. Elles m’expliquèrent dans une
      sorte de langage mental qu’elles fuyaient quelque chose dans l’espace.
      Elles étaient venues sur Terre afin d’échapper à leur ennemi.
    
    
      Alors les créatures me montrèrent comment elles avaient créé la vie sur la
      planète afin de se cacher au sein de ses formes multiples et de dissimuler
      ainsi leur présence. Devant moi, la magnificence de la création des
      plantes et des animaux, et de la différenciation des espèces – des
      centaines de millions d’années d’activité – se déroula à une
      échelle et avec un éclat impossibles à décrire. J’appris que les créatures
      ressemblant à des dragons résidaient en fait à l’intérieur de toutes les
      formes de vie, y compris l’hommeVII. Elles me
      dirent qu’elles étaient les vrais maîtres de l’humanité et de la planète
      tout entière. Nous, les humains, n’étions que les réceptacles et les
      serviteurs de ces créatures. C’est pour cette raison qu’elles pouvaient me
      parler de l’intérieur de moi-même.
    
    
      Ces révélations, jaillissant des profondeurs de mon esprit, alternaient
      avec les visions de la galère flottante qui avait presque fini de hisser
      mon âme à bord. Le navire, avec son équipage de pont à tête de geai bleu,
      s’éloignait progressivement en tirant ma force vitale à mesure qu’il se
      dirigeait vers un large fjord flanqué de collines stériles et érodées. Je
      savais que je n’avais plus qu’un moment à vivre. Étrangement, je n’avais
      plus peur des hommes à tête d’oiseau ; ils pouvaient prendre mon âme
      s’ils étaient capables de la garder. Mais je craignais que, d’une manière
      ou d’une autre, mon âme ne pût demeurer sur le plan horizontal du fjord,
      et qu’elle finisse par être acquise ou réacquise par les habitants des
      profondeurs à forme de dragon, par un processus inconnu, mais que je
      ressentais et redoutais.
    
    
      Je ressentis soudain ma distincte humanité, le contraste entre mon espèce
      et les anciens ancêtres reptiliens. Je commençai à lutter pour ne pas
      retourner parmi les anciens, qui m’apparaissaient de plus en plus
      étrangers, peut-être malfaisants. Chaque battement de mon cœur
      représentait un effort énorme. Je me tournai vers une aide humaine.
    
    
      Dans un dernier effort inimaginable, je parvins tout juste à murmurer un
      seul mot aux Indiens : « Médicament ! » Je les vis se
      précipiter pour faire un antidote, et je sus qu’ils ne pourraient le
      préparer à temps. J’avais besoin d’un gardien capable de défaire des
      dragons et j’essayai frénétiquement d’invoquer un puissant allié afin de
      me protéger des créatures reptiliennes extraterrestres. Un être apparut
      devant moi et, à ce moment précis, les Indiens ouvrirent ma bouche de
      force et me firent avaler l’antidote. Progressivement, les dragons
      disparurent dans les profondeurs ; le navire des âmes et le fjord
      s’étaient évanouis. Je me détendis, soulagé.
    
    
      L’antidote me calma radicalement, mais il ne m’empêcha pas d’avoir de
      nombreuses visions supplémentaires d’une nature plus superficielle,
      maîtrisables et agréables. Je fis de fabuleux voyages à volonté à travers
      des régions lointaines, et même aux confins de la galaxie ; je créai
      d’incroyables architectures et utilisai des démons grimaçant
      sardoniquement pour réaliser mes fantasmes. Souvent, je me surpris à rire
      à haute voix de l’incongruité de mes aventures.
    
    
      Finalement, je dormis.
    
    
      Les rayons du soleil perçaient à travers les trous du toit de palme
      lorsque je m’éveillai. J’étais toujours allongé sur la plateforme de
      bambou, et j’entendis les bruits habituels du matin tout autour de moi :
      les Indiens conversant, les pleurs des bébés et un coq chantant. Je fus
      surpris de découvrir que je me sentais rafraîchi et paisible. Pendant que
      je me reposais en contemplant le magnifique réseau tissé du toit, les
      souvenirs de la nuit précédente traversèrent mon esprit. Je cessai
      momentanément de creuser ma mémoire afin d’aller chercher mon
      magnétophone. Alors que je fouillais dans le sac, plusieurs Indiens me
      saluèrent en souriant. Une vieille femme, l’épouse de Tomás, me donna un
      bol de soupe de poisson et de plantain pour le petit-déjeuner. Le goût en
      était extraordinaire. Puis je retournai sur la plateforme, impatient
      d’enregistrer mes expériences de la nuit avant d’oublier quoi que ce soit.
    
    
      Le travail de remémoration fut aisé, à l’exception d’une partie de la
      transe dont je ne pouvais pas me souvenir. Elle restait vide, comme si la
      bande avait été effacée. Je luttai pendant des heures pour me rappeler ce
      qui s’était produit durant cette partie de l’expérience, et je me battis
      virtuellement pour la ramener dans ma conscience. En l’occurrence, le
      matériau récalcitrant était la communication provenant des créatures à
      forme de dragon, et la révélation concernant leur rôle dans l’évolution de
      la vie sur cette planète et leur domination innée de la matière vivante, y
      compris de l’homme. Je fus très excité par la redécouverte de ce matériau,
      et je ne pus m’empêcher de ressentir que je n’étais pas censé être capable
      de le ramener des régions inférieures de mon esprit.
    
    
      J’éprouvai même une étrange sensation de peur quant à ma sécurité, parce
      que je possédais à présent un secret dont les créatures m’avaient indiqué
      qu’il était réservé aux mourants. Je décidai sur-le-champ de partager
      cette connaissance avec d’autres personnes, afin que le secret ne restât
      pas ma seule propriété, et que ma vie ne fût point mise en péril. Je
      plaçai mon moteur hors-bord sur une pirogue creusée et me dirigeai vers
      une mission évangélique américaine proche du village. J’arrivai vers midi.
    
    
      Bob et Millie, le couple de la mission, étaient un cran au-dessus des
      évangélistes ordinaires envoyés par les États-Unis : accueillants,
      pleins d’humour et de compassion3. Je leur
      racontai mon histoire. Lorsque je décrivis le reptile dont la gueule
      laissait jaillir des flots d’eau, ils se regardèrent, cherchèrent leur
      Bible et me lurent le verset suivant, extrait du chapitre XII de
      l’Apocalypse :
    
    
       
    
    
      Et le serpent jeta, de sa bouche, de l’eau comme un flot…
    
    
       
    
    
      Ils m’expliquèrent que le mot serpent dans la Bible était un synonyme de
      dragon et de Satan. Je continuai mon récit. Lorsque j’en arrivai à la
      partie concernant les créatures à forme de dragon, fuyant un ennemi
      quelque part au-delà de la Terre, et atterrissant ici afin d’échapper à
      leurs poursuivants, Bob et Millie s’enthousiasmèrent et me lurent à
      nouveau un extrait du même passage de l’Apocalypse :
    
    
       
    
    
      Et il y eut une guerre dans les cieux : Michel et ses anges firent la
      guerre au dragon ; et le dragon combattit, ainsi que ses anges. Et
      ils n’eurent pas le dessus ; et il n’y eut plus de place pour eux
      dans les cieux ; et le grand dragon fut chassé, ce vieux serpent,
      appelé le diable, et Satan, qui trompe le monde entier ; il fut
      chassé jusqu’à la Terre, et ses anges avec lui.
    
    
       
    
    
      J’écoutai avec surprise et émerveillement. En retour, les missionnaires
      semblaient frappés par le fait qu’un anthropologue athée, après
      l’ingestion du breuvage des « sorciers », pût apparemment avoir
      eu la révélation d’éléments sacrés contenus dans l’Apocalypse. Lorsque
      j’eus terminé mon récit, je me sentis soulagé d’avoir partagé mon nouveau
      savoir, mais j’étais épuisé. Je m’endormis sur le lit des missionnaires,
      les laissant poursuivre leur conversation sur cette expérience.
    
    
      Ce soir-là, comme je retournais au village dans ma pirogue, ma tête
      commença à battre en rythme avec le bruit du hors-bord ; je crus que
      j’allais devenir fou et je dus me boucher les oreilles pour éviter cette
      sensation. Je dormis bien, mais, le lendemain, je remarquai un
      engourdissement ou une sorte de pression dans ma tête.
    
    
      J’étais à présent très motivé pour solliciter une opinion professionnelle
      de la part de l’Indien le mieux informé, un chamane aveugle qui avait mené
      maintes excursions dans le monde des esprits à l’aide de l’ayahuasca.
    
    
      Il me sembla approprié qu’un aveugle fût mon guide au pays des ténèbres.
    
    
      Je me rendis à sa hutte et lui décrivis mes visions segment par segment.
      D’abord, je lui parlai des moments les plus spectaculaires ; puis,
      lorsque j’évoquai les créatures à forme de dragon, j’omis le moment de
      leur arrivée dans l’espace et dis seulement : « Il y avait ces
      animaux noirs géants, un peu comme de grandes chauves-souris, plus longues
      que la longueur de cette maison, qui dirent être les véritables maîtres du
      monde. » Il n’y a pas de mot pour dragon en conibo, aussi
      chauve-souris géante me semblait être l’expression la plus précise pour
      décrire ce que j’avais vu.
    
    
      Il me regarda de ses yeux aveugles et dit avec un large sourire : « Oh !
      ils disent toujours cela. Mais, ils ne sont que les Maîtres des ténèbres
      extérieures. »
    
    
      Il montra le ciel de sa main avec nonchalance. Je sentis un frisson courir
      le long du bas de ma colonne vertébrale, car je ne lui avais pas encore
      révélé que je les avais vus, dans ma transe, venir de l’espace
      intersidéral.
    
    
      J’étais sidéré. Ce que j’avais expérimenté était déjà connu de ce chamane
      aveugle aux pieds nus ; il en avait fait l’expérience par ses propres
      explorations du monde caché dans lequel je m’étais aventuré. À partir de
      ce moment, je décidai d’apprendre tout ce que je pourrais sur le
      chamanisme.
    
    
      Et il y eut autre chose qui m’encouragea dans ma nouvelle quête. Après lui
      avoir raconté toute mon expérience, il m’affirma qu’il ne connaissait
      personne qui eût autant appris et découvert lors de son premier voyage
      avec l’ayahuasca. « Tu peux sûrement devenir un maître chamane »,
      me dit-il.
    
    
      C’est donc ainsi que commença mon étude sérieuse du chamanisme. Des
      Conibo, j’appris plus particulièrement le voyage dans le Monde d’en bas et
      le recouvrement d’esprits, méthodes qui seront décrites ultérieurement
      dans ce livre. Je retournai aux États-Unis en 1961, mais trois ans plus
      tard, je revins en Amérique du Sud chez les Jívaro, avec lesquels j’avais
      vécu en 1956 et 1957. Ma mission, cette fois-ci, n’était pas
      simplement celle d’un anthropologue, mais d’apprendre directement comment
      pratiquer le chamanisme à la manière des Jívaro. Pour cette raison, je
      voulais visiter le nord-ouest de leur territoire, région où résidaient les
      chamanes les plus puissants.
    
    
      Je pris d’abord l’avion pour Quito, en Équateur, dans les hautes terres
      andines. Puis un vieux trimoteur Junkers jusqu’à un aérodrome situé dans
      la jungle à la base est des Andes, sur le fleuve Pastaza. Là, j’affrétai
      un monomoteur pour Macas, une ancienne colonie blanche au pied des Andes,
      au milieu du territoire jívaro.
    
    
      Macas était un étrange village. Fondé en 1599 par une poignée d’Espagnols
      qui avaient survécu au massacre de la légendaire Sevilla del Oro perpétré
      par les Jívaro, il fut peut-être pendant des siècles la communauté la plus
      isolée du monde occidental. Jusqu’à la construction de l’aéroport dans les
      années 1940, sa relation la plus directe avec le monde extérieur se
      limitait à un sentier glissant sur l’escarpement andin situé à l’ouest du
      village, qui impliquait une marche difficile de huit jours pour atteindre
      la ville de Riobamba, sur les hautes terres. L’isolement avait créé une
      communauté blanche unique au monde. Même durant les premières années du
      XXe siècle, les hommes chassaient avec des
      sarbacanes, portaient des costumes indiens et déclaraient fièrement être
      les descendants directs des conquistadors.
    
    
      Ils possédaient également leurs propres légendes merveilleuses et leurs
      mystères secrets. Par exemple, il y avait l’histoire selon laquelle, après
      le massacre et la retraite de Sevilla del Oro, il leur fallut presque un
      siècle pour trouver un nouveau chemin de sortie à travers les Andes. Le
      souvenir de l’homme qui parvint enfin à trouver ce chemin était encore
      transmis dans les histoires racontées aux enfants à l’heure du coucher. Et
      il y avait le cheval fantôme pourvu de chaînes cliquetantes qui,
      disait-on, était un visiteur nocturne si fréquent des ruelles du village
      que les habitants s’entassaient souvent pêle-mêle dans les huttes au toit
      de palme pendant que le monstre rôdait. Ses visites prirent fin en 1924,
      lorsque les missionnaires catholiques s’établirent en permanence au sein
      de la communauté. À cette époque, incidemment, il n’y avait pas encore de
      chevaux à Macas – le premier, un poulain, fut apporté à dos
      d’homme de Riobamba en 1928, près de trois cent cinquante ans après la
      fondation de la communauté.
    
    
      Derrière le village, surmontant le versant ouest de la Cordillère des
      Andes, se dressait le Sangay, un grand volcan en activité, couronné de
      neige, crachant de la fumée le jour et rougeoyant la nuit. La lueur rouge,
      aimaient à dire les Macabeos, était produite par le trésor des Incas, qui,
      affirmaient-ils, avait été enterré sur ses pentes.
    
    
      Mon premier jour à Macas se passa bien. Mon jeune guide jívaro m’attendait
      près de la piste de l’aérodrome et les gens se montraient hospitaliers et
      généreux. La nourriture était abondante et nos plats comportaient de
      généreuses portions de viande. Puisqu’il n’existait aucun moyen pour les
      Macabeos de faire passer leur bétail de l’autre côté des Andes, ils
      devaient manger les bêtes qu’ils avaient élévées eux-mêmes ; aussi le
      bétail était-il abattu quotidiennement dans le petit village. En outre,
      ils me donnèrent de la guayusa, une tisane indigène que les
      Macabeos consommaient toute la journée à la place du café. La tisane
      provoquait une sensation d’euphorie et la population locale était
      doucement « défoncée » toute la journée. La guayusa
      entraîne une telle accoutumance que, avant de l’offrir à un visiteur, on
      le prévient qu’une fois qu’il l’aura bue, il reviendra toujours dans la
      jungle équatorienne.
    
    
      Alors que je me laissais aller au sommeil la nuit de mon arrivée à Macas,
      des images aux nuances rougeâtres et brillantes m’apparurent dans
      l’obscurité de la maison macabea. Ce que je vis était tout à fait étrange ;
      un entrelacs de motifs curvilignes se divisant et se transformant de façon
      très agréable. Puis, de petits visages démoniaques aux larges sourires,
      également de couleur rouge, apparurent parmi les structures changeantes
      – tourbillonnant, disparaissant et réapparaissant. J’eus la
      sensation de voir les habitants spirituels de Macas.
    
    
      Brusquement, une explosion retentit et une secousse me jeta presque au bas
      de mon lit. Les chiens du village se mirent à aboyer. Les visions
      s’évanouirent. Les gens criaient. Un tremblement de terre avait secoué le
      sol, et à présent, un poudroiement de feux d’artifice naturels jaillissait
      du Sangay dans le ciel nocturne. Je pensai, irrationnellement, que les
      démons sardoniques avaient provoqué l’éruption pour saluer mon retour dans
      la jungle et me rappeler leur réalité. J’éclatai de rire tout seul devant
      l’absurdité de tout cela.
    
    
      Le lendemain, le missionnaire catholique me montra sa collection privée de
      fragments de poteries préhistoriques de la région. Sur ces fragments
      étaient peints des motifs rouges presque identiques à ceux que j’avais vus
      la nuit précédente.
    
    
      Le matin suivant, mon guide jívaro et moi nous dirigeâmes vers le nord de
      Macas, traversâmes le Río Upano dans une pirogue creusée dans un tronc
      d’arbre et continuâmes à marcher toute la journée.
    
    
      Au crépuscule, épuisés, nous atteignîmes notre destination, la maison d’un
      chamane célèbre, Akachu, au plus profond de la forêt. Il n’y eut pas de
      guayusa ce soir-là. À la place, on m’offrit, bol après bol, une
      rafraîchissante bière de manioc, de la viande de singe et des vers crus,
      grouillants mais délicieux comme du fromage. Fatigué, mais ravi d’être
      revenu parmi les chamanes, je tombai dans un sommeil profond sur le lit de
      bambou.
    
    
      Au matin, Akachu et moi nous assîmes solennellement l’un en face de
      l’autre sur des tabourets, alors que ses femmes nous apportaient des bols
      de bière de manioc chaude. Ses longs cheveux noirs, liés en
      queue-de-cheval avec un ruban tissé rouge et blanc duquel pendait une
      pampille faite de plumes, étaient zébrés de traînées grises. J’estimai
      qu’il devait avoir la soixantaine.
    
    
      « Je suis venu, expliquai-je, pour acquérir des esprits alliés, tsentsak. »
    
    
      Il me regarda fixement sans dire un mot, mais les rides de son visage
      basané semblèrent se creuser.
    
    
      « C’est un beau fusil, ça », observa-t-il, montrant du menton la
      Winchester que j’avais apportée pour la chasse.
    
    
      Son message était clair : le paiement habituel pour l’initiation
      chamanique chez les Jívaro était – au moins – un
      fusil à chargement par la bouche. La Winchester à cartouches, qui se
      chargeait par la culasse, était bien plus puissante que les fusils à
      poudre noire et à chargement par la bouche, et donc beaucoup plus
      précieuse.
    
    
      « Pour acquérir de la connaissance et des esprits alliés, je te
      donnerai le fusil et mes deux boîtes de cartouches », dis-je.
    
    
      Akachu hocha la tête et avança la main vers la Winchester.
    
    
      Je pris le fusil et le lui tendis. Il éprouva son poids, son équilibre et
      parcourut le canon du regard. Puis, brusquement, il posa le fusil sur ses
      genoux.
    
    
      « Tout d’abord, tu dois te baigner aux chutes, dit-il, ensuite, nous
      verrons. »
    
    
      Je lui dis que j’étais prêt à faire tout ce qu’il me dirait.
    
    
      « Tu n’es pas un Shuar, un Indien, dit Akachu, aussi je ne
      sais pas si tu réussiras. Mais je t’aiderai à essayer. » Il indiqua
      du menton la direction de l’ouest, vers les Andes. « Bientôt, nous
      ferons le voyage vers les chutes. »
    
    
      Cinq jours plus tard, Akachu, son gendre Tsangu et moi partîmes pour le
      pèlerinage vers les chutes sacrées. Mon guide jívaro, sa mission
      accomplie, était rentré chez lui.
    
    
      Le premier jour, nous suivîmes une piste dans la forêt en remontant une
      rivière tortueuse. Mes compagnons maintenaient un rythme rapide, et je fus
      soulagé lorsque nous fîmes finalement halte en fin d’après-midi auprès de
      petits rapides. Akachu et Tsangu construisirent un abri en palme, avec une
      couche de feuilles de palme en guise de lit. Je dormis à poings fermés,
      réchauffé par le feu nourri qu’ils avaient allumé à l’entrée de l’abri.
    
    
      Le deuxième jour, notre voyage ne fut presque qu’une ascension continue au
      cœur de la forêt voilée de brume. Comme la piste, quasiment inexistante,
      devenait de plus en plus difficile, nous fîmes une pause près d’un bosquet
      de caña brava afin de couper des bâtons de randonnée pour nous
      aider dans notre ascension. Akachu s’éloigna brièvement et revint avec une
      branche en balsa épaisse d’environ sept centimètres. Alors que nous nous
      reposions, il la grava rapidement de formes géométriques simples, et me la
      tendit.
    
    
      « C’est ton bâton magique, me dit-il. Il te protégera des démons. Si
      tu en rencontres un, jette-le sur lui. Il est plus puissant qu’un fusil. »
    
    
      Je palpai le bâton. Il était extrêmement léger et ne pouvait avoir aucune
      utilité pour se défendre contre quelque chose de matériel. Pendant un
      moment, j’eus l’impression que nous étions des enfants jouant à faire
      semblant. Pourtant, ces hommes étaient des guerriers, des guerriers
      engagés dans des querelles et des guerres mortelles à répétition avec
      leurs ennemis. Leur survie ne dépendait-elle pas de leur capacité à être
      véritablement en contact avec la réalité ?
    
    
      À mesure que le jour avançait, la piste devint plus escarpée et plus
      glissante. Souvent, il me semblait que je glissais d’un pas en arrière
      dans la boue chaque fois que j’avançais de deux. Nous nous reposions
      fréquemment pour reprendre notre souffle et boire à petites gorgées de
      l’eau mélangée à de la purée de bière de manioc dans nos gourdes. Parfois,
      mes compagnons prenaient un en-cas de manioc bouilli ou de viande fumée
      qu’ils portaient dans leurs sacs en peau de singe. En ce qui me
      concernait, toute nourriture solide m’était interdite.
    
    
      « Tu dois souffrir, expliqua Tsangu, afin que les grands-pères aient
      pitié de toi. Autrement, l’ancien spectre ne viendra pas. »
    
    
      Cette nuit-là, fatigué et affamé, j’essayai de m’endormir dans l’abri en
      palme que mes compagnons avaient construit pour nous au sommet d’une crête
      froide et humide. Peu avant l’aube, il commença à pleuvoir. Trop transi de
      froid pour rester où nous étions, nous levâmes le camp et avançâmes à
      tâtons dans l’obscurité le long de la crête. La pluie redoubla
      d’intensité. Aussitôt après, des éclairs accompagnés de coups de tonnerre
      illuminèrent périodiquement notre chemin. La plupart des éclairs
      semblaient frapper la crête que nous suivions, aussi nous commençâmes à
      avancer à allure maximale pour quitter les hauteurs. Dans la
      semi-obscurité de l’aube, je perdis souvent de vue mes deux compagnons,
      qui étaient habitués à marcher incroyablement vite à travers la forêt.
      Même lors de circonstances ordinaires, les Indiens couraient à grandes
      foulées souples à la vitesse de six à huit kilomètres à l’heure. À
      présent, ils devaient bien en faire dix.
    
    
      Bientôt je ne les vis plus du tout.
    
    
      Je supposai qu’ils pensaient que je pourrais les suivre. Ils devaient sans
      doute m’attendre quelque part, au-delà de la fin de la crête. Aussi
      avançai-je détrempé, épuisé, affamé et effrayé à l’idée d’être
      définitivement perdu au sein de cette immense forêt inhabitée. Une, deux,
      trois heures passèrent sans que je les trouve. La pluie cessa et la
      lumière augmenta dans la forêt déserte. Je cherchai les branches de jeunes
      arbres nettement brisées, signe que les Indiens étaient passés par là. En
      vain.
    
    
      Je m’arrêtai, m’assis sur un rondin au milieu de la forêt ruisselante et
      essayai de considérer clairement ma position. Je poussai le cri à longue
      portée des Indiens, un cri venant du plus profond des poumons et qui peut
      être entendu à huit cents mètres à la ronde. Trois fois, je recommençai.
      Nulle réponse. J’étais proche de la panique. Je n’avais pas mon fusil avec
      moi, aussi m’était-il impossible de chasser. Je ne savais où aller. Les
      seuls humains que je connaissais dans la forêt étaient mes compagnons
      disparus.
    
    
      Je savais que nous avions pris la direction de l’ouest, mais la voûte
      épaisse de la forêt m’empêchait de voir l’orientation du soleil. La crête
      se divisait en de nombreux sentiers, et je ne pouvais dire lequel était le
      meilleur. Presque au hasard, je choisis un chemin et le suivis lentement,
      brisant des branches environ tous les trois mètres afin de guider mes
      compagnons s’ils venaient à me chercher par là. Je poussai mon cri de
      temps en temps, mais n’entendis pas de réponse.
    
    
      Je m’arrêtai auprès d’un ruisseau et ajoutai un peu d’eau à la bière
      concentrée de ma calebasse. Alors que je me reposais, en nage, des
      dizaines de papillons tourbillonnèrent autour de moi en se posant souvent
      sur ma tête, mes épaules et mes bras. Je les regardai aspirer la sueur et
      uriner simultanément sur ma peau. Je me levai et poussai plus avant dans
      la forêt, en m’aidant de mon bâton de balsa. Il faisait de plus en plus
      sombre. À l’aide de mon puñal, une petite machette, je coupai des
      branches de jeunes palmiers et construisis un abri sommaire. Épuisé, je
      bus un peu de bière, couvris mon corps de feuilles et m’endormis aussitôt.
    
    
      Un mince filet de lumière filtrait à travers la voûte de la forêt lorsque
      je m’éveillai. Alors que je me reposais dans le silence vert, j’entendis
      une détonation sourde. Elle me prit par surprise, et je ne pus déterminer
      sa direction. J’écoutai en silence pendant près d’un quart d’heure
      lorsqu’une autre détonation se fit entendre, sur ma gauche. Il s’agissait,
      sans aucun doute, d’un coup de fusil. Je me levai d’un bond et fonçai dans
      la direction de la détonation, courant, trébuchant, glissant alors que je
      dévalai les pentes escarpées. Je poussai le cri de reconnaissance à
      intervalles réguliers. Une autre détonation se fit entendre, cette fois
      légèrement sur ma droite. Je changeai de direction et me retrouvai bientôt
      en train de gravir un canyon escarpé, en m’accrochant aux lianes et en
      glissant d’un jeune arbre à l’autre. J’entendis un grondement constant,
      semblable à celui d’un train de marchandises. Brusquement, je me retrouvai
      sur la berge jonchée de galets d’une rivière. À environ quatre cents
      mètres en amont, une prodigieuse chute d’eau surgissait d’une falaise
      rocheuse nue. Et, près de sa base, je pus voir les deux autres ; à ce
      moment précis, ils étaient mes meilleurs amis au monde.
    
    
      Je dus escalader et descendre d’énormes blocs et passer à gué les bassins
      qui se trouvaient entre des bancs de sable.
    
    
      À mesure que j’approchais, je sentais les brumes humides de la chute,
      portées par le vent le long du canyon, rafraîchissant mon visage et mes
      bras. Il me fallut environ un quart d’heure pour rejoindre Akachu et
      Tsangu. Finalement, je m’écroulai sur le sable à côté d’eux.
    
    
      « Nous pensions qu’un démon t’avait attrapé », dit Akachu avec
      un large sourire. Je lui rendis faiblement son sourire, heureux d’accepter
      la calebasse de bière qu’il m’offrit.
    
    
      « Tu es fatigué, c’est bien, car les grands-pères peuvent te prendre
      en pitié. Tu dois maintenant commencer à te baigner. »
    
    
      Il montra mon bâton. « Prends ton balsa et viens avec moi. »
      Alors que Tsangu restait assis sur le banc de sable, Akachu me conduisit
      au-dessus des rochers le long du bord d’un grand bassin dans lequel la
      cascade se déversait. Bientôt nous arrivâmes à la hauteur de la face
      humide de la falaise, alors que de l’eau jaillissait et aspergeait nos
      corps. Il me prit la main et avança centimètre par centimètre le long de
      la base de la falaise. L’eau se déversait sur nous avec une force
      croissante, et il était difficile de ne pas se faire emporter. Je
      m’appuyais sur mon bâton avec une main et m’accrochais à Akachu de
      l’autre.
    
    
      Chaque pas en avant devenait plus difficile. Puis, soudain nous nous
      retrouvâmes au-dessous de la cascade dans un renfoncement naturel sombre.
      On aurait dit une grotte magique. La lumière filtrait seulement à travers
      l’immense rideau de la chute, qui nous séparait du reste du monde. Le
      grondement incessant de la cascade était encore plus fort que celui de ma
      première vision, des années auparavant. Il semblait pénétrer mon être tout
      entier. Nous étions séparés du monde par les éléments fondamentaux de la
      terre et de l’eau.
    
    
      « La Maison des grands-pères », me cria Akachu à l’oreille. Il
      montra mon bâton.
    
    
      Il m’avait indiqué auparavant ce que je devais faire. Je commençai à
      marcher d’avant en arrière au cœur de cette incroyable cavité, en plaçant
      mon bâton devant moi à chaque pas. Comme il me l’avait appris, je criai
      continuellement « tau, tau, tau », afin d’attirer
      l’attention des grands-pères. J’étais complètement transi de froid par
      l’eau qui balayait la petite caverne, une eau qui peu de temps auparavant
      reposait dans les lacs glaciaires des plus hautes Andes. Grelottant, je
      marchai à pas mesurés et criai. Akachu m’accompagna, mais sans bâton.
    
    
      Progressivement, une paix étrange envahit ma conscience.
    
    
      Je n’avais plus froid, je ne me sentais plus fatigué et je n’avais plus
      faim. Le bruit de l’eau tombant en cascade se fit de plus en plus distant
      et devint étrangement apaisant. Je sentis que j’appartenais à ce lieu, que
      j’étais revenu chez moi. Le mur d’eau devint iridescent, un torrent fait
      de millions de prismes liquides. À mesure qu’ils coulaient, j’éprouvai la
      sensation de flotter vers le haut, comme s’ils étaient immobiles et que
      moi, j’étais celui qui se mouvait. Me voilà volant à l’intérieur d’une
      montagne ! Je riais de l’absurdité du monde.
    
    
      Enfin, Akachu me saisit par l’épaule, m’arrêta et me prit la main. Il me
      conduisit au-dehors de la montagne magique et le long du rocher jusqu’à
      Tsangu. Je quittai le lieu sacré à regret.
    
    
      Lorsque nous rejoignîmes le banc de sable, Tsangu nous conduisit
      directement sur le côté du canyon et commença à escalader la pente raide.
      Nous le suivîmes en file indienne en nous accrochant aux racines, aux
      lianes et aux jeunes arbres saillants pour éviter de glisser dans l’argile
      humide. Pendant peut-être une heure, nous continuâmes cette ascension
      ardue, parfois trempés par les éclaboussures de la chute. C’était la fin
      de l’après-midi lorsque nous atteignîmes finalement une petite crête plate
      et proche du bord de la cascade. Nous nous reposâmes brièvement puis
      suivîmes Tsangu le long du plateau. Au début, la jungle était épaisse et
      difficile à pénétrer, mais rapidement nous nous retrouvâmes au sein d’une
      allée d’arbres géants.
    
    
      Environ cinq minutes plus tard, Tsangu s’arrêta et se mit à couper des
      branches pour construire un abri.
    
    
      Akachu commença à tailler l’extrémité d’un bâton. Il coupa cette extrémité
      une seconde fois, à angle droit de la première entaille, puis planta le
      bout non coupé dans le sol. Dans l’entaille en forme de croix, il plaça
      deux brindilles qui maintenaient le bout ouvert et formaient une sorte de
      réceptacle à quatre pointes. Puis il sortit du sac en peau de singe qu’il
      tenait en bandoulière, une calebasse de la taille d’un poing qu’il plaça
      au centre. Il fouilla à nouveau dans son sac et en sortit un petit fagot
      de tiges vertes : les morceaux de maikua (une espèce de
      datura du genre BrugmansiaVIII), qu’il
      avait recueillis avant notre départ de chez lui. Une par une, il les tint
      au-dessus de la calebasse et en gratta l’écorce verte. Lorsqu’il eut
      terminé, la calebasse était presque pleine. Il prit les copeaux d’écorce
      et commença à les presser au-dessus du bol afin d’en extraire le jus. En
      cinq minutes, un huitième du récipient était rempli de liquide. Il jeta
      les copeaux d’écorce.
    
    
      « À présent, nous allons laisser refroidir la maikua »,
      me dit-il. « Tu la boiras lorsque la nuit viendra. Tu la boiras seul
      car nous devons te protéger. Nous serons avec toi tout le temps, aussi tu
      n’as pas à avoir peur. »
    
    
      Tsangu, qui nous avait rejoints, ajouta : « Le plus important,
      c’est de ne pas avoir peur. Si tu vois quelque chose d’effrayant, tu ne
      dois pas t’enfuir. Tu dois lui faire face et le toucher. »
    
    
      Akachu prit mon épaule. « C’est vrai. Tu dois agir comme cela ou un
      jour, bientôt, tu mourras. Tiens continuellement ton bâton de balsa avec
      les mains afin de pouvoir toucher ce que tu verras. »
    
    
      Je commençai à ressentir une forte sensation de panique. Non seulement
      leurs mots étaient loin d’être réconfortants, mais, de plus, je savais que
      certaines personnes étaient mortes ou devenues définitivement folles après
      en avoir bu. Je me souvins des histoires de Jívaro qui après en avoir pris
      étaient entrés dans un tel état de délire qu’ils s’étaient précipités à
      travers la forêt pour se jeter du haut de falaises ou se noyer. Pour cette
      raison, ils ne prenaient jamais de maikua sans des compagnons
      sobres capables de les retenir4.
    
    
      « Me retiendrez-vous avec force ? », demandai-je.
    
    
      « Ce sera fait, frère », répondit Akachu.
    
    
      C’était la première fois qu’il s’adressait à moi en termes de parenté, ce
      seul mot me rassura. Pourtant, alors que j’attendais l’obscurité de la
      nuit, une impatience et une curiosité grandissantes se mêlaient à la peur.
    
    
      Mes compagnons n’allumèrent pas de feu et lorsque la nuit vint nous étions
      étendus côte à côte sur les feuilles de palme, écoutant le silence de la
      forêt et le grondement lointain de la chute. Enfin, ce fut l’heure.
    
    
      Akachu me donna la calebasse. Je la soulevai et en avalai le contenu. Le
      goût était quelque peu désagréable, bien que légèrement semblable à celui
      des tomates vertes. J’éprouvai une sensation d’engourdissement. Je pensai
      à cet autre breuvage qui, trois ans auparavant chez les Conibo, m’avait
      conduit ici.
    
    
      Ma quête chamanique valait-elle le risque que je prenais ?
    
    
      Rapidement cependant, la quasi-logique de mes pensées s’évanouit à mesure
      qu’une inexprimable terreur envahissait mon corps tout entier. Mes
      compagnons allaient me tuer ! Je devais m’enfuir ! J’essayai de
      bondir, mais instantanément ils furent sur moi. Trois, quatre, une
      infinité de sauvages luttaient contre moi, me maintenaient à terre, à
      terre, à terre. Leur visage était au-dessus de moi, crispé par des
      sourires sournois. Puis ce fut l’obscurité.
    
    
      Je fus réveillé par un éclair de lumière suivi d’une explosion
      retentissante. La terre tremblait sous moi. Je me levai d’un bond,
      complètement paniqué. Un vent d’ouragan me jeta sur le sol. J’essayai de
      me relever en trébuchant. Une pluie violente me martelait le corps alors
      que le vent arrachait mes vêtements.
    
    
      La foudre et le tonnerre explosèrent autour de moi. Je m’accrochai à un
      jeune arbre pour me soutenir. Mes compagnons étaient invisibles.
    
    
      Soudain, à quelque soixante mètres au milieu des troncs d’arbres, je pus
      voir une forme lumineuse flottant lentement vers moi. Je la regardai,
      terrifié, alors qu’elle grandissait sans cesse, se transformant en une
      forme torsadée. La gigantesque silhouette reptilienne flottait directement
      vers moi. Son corps brillait de nuances vertes, pourpres et rouges. Alors
      qu’elle se tordait au milieu de la foudre et du tonnerre, elle me regarda
      avec un étrange sourire sardonique.
    
    
      Je me mis à courir, puis je me souvins du bâton. Je regardai par terre
      mais ne le vis pas. La créature serpentine n’était plus qu’à six mètres et
      se dressait au-dessus de moi, enroulant et déroulant ses anneaux. Elle se
      divisa en deux créatures entrelacées. Elles me faisaient toutes deux face,
      à présent. Les dragons étaient venus me chercher ! Ils fusionnèrent à
      nouveau en un seul corps.
    
    
      Je vis devant moi un bâton d’environ trente centimètres de long. Je le
      saisis et chargeai désespérément le monstre. Un hurlement à fendre les
      oreilles emplit l’air et, brusquement, la forêt fut vide. Le monstre était
      parti. Il n’y avait plus que silence et sérénité.
    
    
      Je perdis connaissance.
    
    
      Il était midi lorsque je me réveillai. Akachu et Tsangu étaient accroupis
      auprès d’un petit feu, mangeaient et conversaient calmement. J’avais mal à
      la tête et j’étais affamé, mais je me sentais bien. Comme je m’asseyais,
      mes amis vinrent vers moi. Akachu me donna un bol de bière réchauffée. On
      m’offrit aussi un morceau de viande de singe séchée. La nourriture avait
      un goût merveilleux, mais je voulais leur faire partager mon expérience.
    
    
      Je leur dis : « J’ai cru que vous étiez en train d’essayer de me
      tuer la nuit dernière. Puis, vous avez disparu et il y a eu un éclair
      épouvantable… »
    
    
      Akachu m’interrompit. « Tu ne dois rien dire à personne, même pas à
      nous, sur ce que tu as rencontré. Autrement, tout ce que tu auras enduré
      n’aura servi à rien. Un jour, et tu sauras lequel, tu pourras en parler
      aux autres, mais pas maintenant. Mange et ensuite nous rentrerons chez
      nous. »
    
    
      Nous revînmes à la maison d’Akachu, et sous sa direction, je commençai à
      acquérir les tsentsak (fléchettes magiques) essentiels à la
      pratique du chamanisme jívaro. Ces tsentsak ou esprits alliés
      sont les principales forces censées provoquer et guérir les maladies dans
      la vie quotidienne. Pour le non-chamane, ces forces sont normalement
      invisibles, et même les chamanes ne peuvent les percevoir que dans un état
      modifié de conscience.5
    
    
      Les mauvais chamanes, ou sorciers, projettent ces esprits alliés dans le
      corps de leurs victimes afin de les rendre malades ou de les tuer. Les
      bons chamanes, ou guérisseurs, utilisent leurs propres tsentsak,
      qui les aident à extraire les esprits du corps de leurs compagnons
      malades. Les esprits alliés forment également des boucliers qui, avec
      l’esprit gardien du chamane, protègent leur maître chamane des attaques.
    
    
      Un nouveau chamane recueille toutes sortes d’insectes, de plantes et
      autres objets, qui deviennent ses esprits alliés. Toute chose ou presque,
      y compris les insectes et les vers, peut devenir un tsentsak si
      elle est suffisamment petite pour être avalée. Différents types de tsentsak
      provoquent différents types de maladies ou sont utilisés pour les soigner.
      Plus grande est la diversité des objets de pouvoir que le chamane possède
      dans son corps, plus grande est sa capacité de guérisseur.
    
    
      Chaque tsentsak possède un aspect ordinaire et non ordinaire.
      L’aspect ordinaire d’une fléchette magique est celui d’un objet matériel
      ordinaire tel qu’il est vu sans avoir bu d’ayahuasca. Mais l’aspect non
      ordinaire et véritable du tsentsak se révèle au chamane lorsqu’il
      prend la boisson. Les fléchettes magiques apparaissent alors sous leurs
      formes cachées d’esprits alliés, comme par exemple des papillons géants,
      des jaguars, des serpents, des oiseaux et des singes, qui assistent
      activement le chamane dans sa tâche.
    
    
      Lorsqu’un chamane guérisseur est appelé pour soigner un patient, son
      premier devoir est d’établir un diagnostic. Il boit de l’ayahuasca, du jus
      de tabac vert, parfois le jus d’une plante appelée pirípirí, en
      fin d’après-midi et en début de soirée. Ces substances qui modifient la
      conscience lui permettent de voir à l’intérieur du corps du patient comme
      si celui-ci était en verre. Si la maladie est due à la sorcellerie, le
      chamane guérisseur verra l’entité non ordinaire intrusive dans le corps du
      patient assez clairement pour déterminer s’il possède l’esprit allié
      approprié pour l’extraire en l’aspirant.
    
    
      Un chamane aspire les fléchettes magiques du corps d’un patient durant la
      nuit et dans un coin sombre de la maison, car c’est seulement dans
      l’obscurité qu’il peut percevoir la réalité non ordinaire. Au coucher du
      soleil, il alerte ses tsentsak en sifflant la mélodie de son
      chant de pouvoir ; après un quart d’heure environ, il commence à
      chanter. Lorsqu’il est prêt à aspirer, le chamane garde à l’avant et à
      l’arrière de sa bouche deux tsentsak identiques à celui qu’il a
      vu dans le corps du patient. Ils sont présents à la fois sous leurs
      aspects matériel et non matériel, et servent à attraper la forme non
      ordinaire de la fléchette magique lorsque le chamane l’aspire du corps du
      patient. Le tsentsak le plus proche des lèvres du chamane a la
      tâche d’incorporer à l’intérieur de lui-même l’essence aspirée. Si,
      cependant, cette essence non ordinaire parvient à le dépasser, le deuxième
      esprit allié situé dans la bouche bloque la gorge afin que l’intrus ne
      puisse pas pénétrer à l’intérieur du corps du chamane et lui faire du mal.
      Ainsi piégée dans la bouche, l’essence est rapidement capturée et
      incorporée par la substance matérielle de l’un des tsentsak du
      chamane guérisseur qui vomit ensuite cet objet. Il le montre ensuite au
      patient et à sa famille en disant : « Je l’ai aspiré. Le voici. »
    
    
      Les non-chamanes peuvent penser que l’objet matériel lui-même est ce qui a
      été aspiré, et le chamane ne les désillusionne pas. Mais, en même temps,
      il ne ment pas, parce qu’il sait que le seul aspect important d’un tsentsak
      est son aspect non matériel ou non ordinaire, c’est-à-dire son essence,
      qu’il croit sincèrement avoir enlevée du corps du patient. Expliquer au
      profane qu’il avait déjà ces objets dans la bouche n’aurait aucun intérêt
      et l’empêcherait de les montrer pour preuve de la guérison.
    
    
      La capacité d’un chamane à aspirer dépend largement de la quantité et de
      la force de ses tsentsak ; il peut en posséder des
      centaines. Ses fléchettes magiques assument leur aspect surnaturel en tant
      qu’esprits alliés lorsqu’il est sous l’influence de l’ayahuasca, il les
      voit sous diverses formes zoomorphiques planant au-dessus de lui, se
      perchant sur ses épaules et surgissant de sa peau. Il les voit l’aider à
      sucer le corps du patient. Il boit du jus de tabac d’heure en heure pour
      les maintenir rassasiés afin qu’ils ne l’abandonnent pas.
    
    
      Un sorcier peut lancer des tsentsak à un chamane guérisseur. En
      raison de ce danger, les chamanes peuvent boire à plusieurs reprises du
      jus de tabac, toutes les heures du jour et de la nuit. Le jus de tabac
      aide à tenir ses tsentsak prêts à repousser toute autre fléchette
      magique. Un chamane ne se promène jamais sans recueillir des feuilles de
      tabac vert avec lesquelles il prépare le jus qui lui permettra de tenir
      ses esprits alliés en éveil.
    
    
      Le degré de violence et de compétition au sein de la société jívaro est
      célèbre dans la littérature anthropologique et contraste radicalement, par
      exemple, avec la sérénité des Conibo. Et les Jívaro comme les Conibo sont
      différents des peuplades tribales d’Australie et de nombreuses autres
      régions qui ont depuis longtemps pratiqué le chamanisme sans utiliser de
      substances psychédéliques. Mais le chamanisme jívaro est hautement
      développé, spectaculaire et passionnant. Aussi, en 1969, je revins chez
      les Jívaro pour approfondir mes connaissances et, en 1973, je poursuivis
      mon apprentissage du chamanisme auprès d’eux.
    
    
      Durant les années qui ont suivi les débuts de ma pratique du chamanisme
      chez les Conibo, j’ai également étudié brièvement auprès de chamanes de
      quelques groupes indiens nord-américains : les Wintun et les Pomo de
      Californie, les Salish de la côte de l’État de Washington et les Sioux
      Lakota du sud du Dakota. Grâce à eux, j’ai appris comment le chamanisme
      pouvait être pratiqué avec succès sans utiliser ni l’ayahuasca ni les
      autres drogues des Conibo et des Jívaro. Ce savoir s’est révélé
      spécialement utile lorsqu’il s’est agi de faire connaître la pratique du
      chamanisme à des Occidentaux. Enfin, j’ai beaucoup appris en étudiant la
      littérature ethnographique du monde entier sur le chamanisme, dans
      laquelle se trouvent enterrés de nombreux trésors d’informations qui
      complètent et confirment ce que j’ai appris de première main par la
      pratique. Le temps semble venu d’aider à transmettre quelques aspects
      pratiques de cet ancien patrimoine humain à ceux qui en ont été séparés
      pendant des siècles.
   

15 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE introduction

INTRODUCTION
    
    
      Les chamanes – que, dans le monde dit « civilisé »,
      nous avons appelés « hommes-médecine » et « sorciers » –
      sont les gardiens d’un ensemble remarquable d’anciennes techniques qu’ils
      utilisent afin d’obtenir et de maintenir le bien-être et la santé pour
      eux-mêmes et les membres de leurs communautés. Ces méthodes chamaniques
      sont étonnamment similaires à travers le monde, même chez des peuples dont
      les cultures sont tout à fait différentes sous d’autres aspects, et qui
      ont été séparés par des océans et des continents pendant des dizaines de
      milliers d’années.
    
    
      Ces peuples prétendus primitifs ne possédaient pas notre niveau avancé de
      technologie médicale, aussi avaient-ils d’excellentes raisons de
      développer les capacités thérapeutiques de l’esprit humain pour la santé
      et le soin. L’uniformité fondamentale des méthodes chamaniques suggère
      que, par l’intermédiaire d’essais et d’erreurs, ces peuples parvinrent aux
      mêmes conclusions.
    
    
      Le chamanisme est une grande aventure mentale et émotionnelle dans
      laquelle sont impliqués le patient aussi bien que le chamane guérisseur.
      Par son voyage et ses efforts héroïques, le chamane aide ses patients à
      transcender leur définition ordinaire de la réalité, ainsi que leur
      définition d’eux-mêmes en tant que malades. Le chamane montre à ses
      patients qu’ils ne sont pas seuls, émotionnellement et spirituellement,
      dans leurs combats contre la maladie et la mort. Le chamane partage ses
      pouvoirs exceptionnels et convainc ses patients, à un niveau profond de
      conscience, qu’un autre être humain est prêt à leur faire don de soi afin
      de les aider. L’autosacrifice du chamane éveille en retour chez ses
      patients un engagement émotionnel proportionnel, un sens de la nécessité
      de lutter avec lui pour se sauver eux-mêmes. Le cœur et la cure vont
      ensemble.
    
    
      Nous découvrons aujourd’hui que même les quasi-miracles de la médecine
      moderne occidentale ne sont pas toujours capables de résoudre complètement
      tous les problèmes des malades ou de ceux qui souhaitent éviter la
      maladie. De plus en plus, les professionnels de la santé et leurs patients
      cherchent des méthodes de soins complémentaires, et de nombreux individus
      bien portants s’engagent dans une démarche personnelle afin de découvrir
      des approches alternatives pratiques qui apportent le bien-être. Mais il
      est souvent difficile pour le profane, et même pour le professionnel de la
      santé, de distinguer ce qui est infondé de ce qui est efficace. En
      revanche, les anciennes méthodes du chamanisme sont déjà éprouvées par le
      temps ; en fait, elles ont été testées depuis un temps
      incommensurablement plus long, par exemple, que la psychanalyse et
      diverses autres techniques psychothérapeutiques.
    
    
      L’un des objectifs de ce livre est d’aider, pour la première fois, les
      Occidentaux à bénéficier de ce savoir pour compléter les approches de la
      médecine contemporaine.
    
    
      En employant les méthodes décrites dans ce livre, vous aurez la
      possibilité d’acquérir l’expérience du pouvoir chamanique et de vous aider
      vous-même ainsi que les autres. Dans mes séminaires d’apprentissage du
      pouvoir et de la guérison chamaniques, en Amérique du Nord et du Sud, au
      Japon, en Australie et en Europe, les étudiants ont démontré maintes fois
      que la plupart des personnes qui le désirent peuvent facilement s’initier
      aux fondements de la pratique chamanique. Cette voie ancienne est si
      puissante et puise si profondément dans l’esprit humain que les systèmes
      de croyances culturels usuels, ainsi que les suppositions de tout un
      chacun au regard de la nature de la réalité, sont dénués de toute
      pertinence face à elle.
    
    
      D’aucuns se demanderont si le chamanisme peut être appris dans un livre.
      Dans une certaine mesure, la question est fondée, car finalement la
      connaissance chamanique ne peut être acquise qu’à travers l’expérience
      individuelle. Vous devez cependant apprendre les méthodes afin de les
      utiliser. Elles peuvent être apprises de différentes façons. Par exemple,
      chez les Conibo de la Haute-Amazonie, apprendre des arbres est considéré
      comme supérieur à apprendre d’un autre chamane. Chez les aborigènes
      sibériens, une expérience de mort-renaissance était souvent une source
      majeure de connaissance chamanique. Dans certaines cultures orales, des
      individus répondent spontanément à « l’appel » du chamanisme
      sans aucun apprentissage formel, alors que dans d’autres, ils s’entraînent
      sous la direction d’un chamane durant une période qui peut varier d’un
      jour à cinq ans ou plus.
    
    
      Dans la culture occidentale, la plupart des gens ne connaîtront jamais de
      chamane traditionnel, sans même parler d’apprendre auprès de l’un d’eux.
      Cependant, puisque nous sommes dans une culture de l’écrit, vous n’êtes
      pas obligé de vous trouver dans une situation traditionnelle
      d’apprentissage pour apprendre : un livre peut fournir les
      informations méthodologiques essentielles. Bien qu’il puisse sembler
      gênant au premier abord d’apprendre les techniques chamaniques par ce
      biais, persistez ! Vos expériences chamaniques prouveront leur propre
      valeur. Comme dans tout autre domaine d’apprentissage, il est bien sûr
      enrichissant de travailler directement avec un professionnel. Ceux qui
      donc souhaitent peuvent participer aux séminaires de chamanisme de la Foundation
      for Shamanic Studies (voir l’appendice
      A).
    
    
      Dans le chamanisme, le maintien du pouvoir personnel est fondamental pour
      le bien-être. Ce livre vous présentera certaines des méthodes chamaniques
      de base permettant de restaurer et de maintenir le pouvoir personnel, et
      de l’utiliser en vue d’aider ceux qui sont faibles, malades ou blessés.
      Les techniques sont simples et puissantes. Leur utilisation ne requiert ni
      la foi ni des changements dans votre façon de concevoir la réalité dans
      votre état de conscience ordinaire. En fait, ce système n’exige même pas
      un changement dans votre inconscient, puisqu’il ne fait qu’éveiller ce qui
      est déjà présent en vous. Cependant, bien que les techniques fondamentales
      du chamanisme soient simples et relativement faciles à apprendre, la
      pratique effective du chamanisme exige de l’autodiscipline et du
      dévouement.
    
    
      En s’engageant dans la pratique chamanique, on passe de ce que j’appelle
      un État de conscience ordinaire (ECO) à un État de conscience chamanique
      (ECC) Ces états de conscience permettent de comprendre, notamment, ce
      qu’entend Carlos Castaneda lorsqu’il parle de « réalité ordinaire »
      et de « réalité non ordinaire ». La différence entre ces états
      de conscience peut par exemple être illustrée en se référant aux animaux :
      les dragons, les griffons et d’autres animaux que nous considérerions
      comme mythiques en ECO, sont réels en ECC. L’idée selon laquelle ces
      animaux sont mythiques est un postulat utile et valide dans la vie en ECO,
      mais superflu et hors de propos dans les expériences en ECC. Le mot
      imagination peut être considéré comme un terme utilisé par une personne en
      ECO lorsqu’elle se réfère à ce qui est expérimenté en ECC. Inversement,
      une personne en ECC peut percevoir les expériences en ECO comme étant
      illusoires en termes d’ECC. Les deux positions sont justes, considérées du
      point de vue de leurs états de conscience respectifs.
    
    
      Le chamane a l’avantage d’avoir la capacité à se mouvoir à volonté entre
      les états de conscience. Il peut entrer dans l’ECO d’un non-chamane et
      s’accorder honnêtement avec lui sur la nature de la réalité considérée
      dans cette perspective. Puis, le chamane peut revenir en ECC et obtenir
      une confirmation directe des témoignages de ceux qui ont rapporté leurs
      expériences vécues dans cet état.
    
    
      L’observation au moyen de nos propres sens constitue la base de la
      définition empirique de la réalité ; et pourtant, personne, même dans
      les sciences de la réalité ordinaire, n’a pu prouver incontestablement
      qu’il y a seulement un état de conscience qui soit valide pour fournir des
      observations de première main.
    
    
      Le mythe de l’ECC est la réalité ordinaire et le mythe de l’ECO est la
      réalité non ordinaire. Il est extrêmement difficile de porter un jugement
      sans préjugés sur la validité des expériences réalisées au sein de l’état
      de conscience opposé.
    
    
      Pour comprendre l’hostilité profonde et viscérale qui a accueilli les
      œuvres de Castaneda dans certains milieux, nous devons garder à l’esprit
      que c’est justement ce type de préjugé qui est souvent impliqué. Il
      constitue l’équivalent de l’ethnocentrisme existant entre les cultures.
      Mais ici, ce n’est pas l’étroitesse de l’expérience culturelle de
      l’individu qui constitue l’enjeu, mais l’étroitesse de son expérience
      consciente. Les personnes les plus hostiles envers le concept de la
      réalité non ordinaire sont celles qui ne l’ont jamais expérimentée. Cette
      position pourrait être appelée « cognicentrisme », l’équivalent
      de l’ethnocentrisme quant à la conscience.
    
    
      Un pas vers une solution à ce problème pourrait bien être franchi si plus
      de personnes devenaient chamanes, afin qu’elles puissent expérimenter
      elles-mêmes l’ECC. De tels chamanes, comme cela se pratique depuis des
      temps immémoriaux dans d’autres cultures, pourraient alors communiquer une
      compréhension de cette réalité non ordinaire à ceux qui ne l’ont jamais
      pénétrée. Cela serait comparable au rôle de l’anthropologue qui, par
      l’observation participante d’une culture autre que la sienne, est ensuite
      capable de communiquer une compréhension de cette culture à des personnes
      qui, autrement, l’auraient perçue comme étrangère, incompréhensible et
      inférieure.
    
    
      Les anthropologues enseignent aux autres à éviter les pièges de
      l’ethnocentrisme en apprenant à comprendre une culture selon ses propres
      postulats concernant la réalité. Les chamanes occidentaux peuvent rendre
      un service semblable en rapport à la problématique du cognicentrisme. La
      leçon de l’anthropologue est appelée «  relativisme culturel ».
      Ce que les chamanes occidentaux peuvent tenter de créer, dans une certaine
      mesure, est un relativisme cognitif. Plus tard, lorsqu’une connaissance
      empirique des expériences de l’ECC sera atteinte, il pourra y avoir un
      respect pour les postulats relatifs à cet état de conscience. Alors
      peut-être le temps sera-t-il venu d’analyser sans préjugés des expériences
      vécues en ECC en termes scientifiques d’ECO.
    
    
      Certains pourraient avancer que la raison pour laquelle nous autres
      humains passons la plus grande partie de notre vie de veille en ECO est
      que la sélection naturelle le voulait ainsi, parce qu’il s’agit de la
      vraie réalité, et que les autres états de conscience, excepté le sommeil,
      constituent des aberrations qui interfèrent avec notre survie. Autrement
      dit, si nous suivons cet argument, nous percevons habituellement la
      réalité de cette manière-là parce qu’il s’agit toujours de la meilleure
      manière en termes de survie. Mais les récents progrès de la neurochimie
      montrent que le cerveau humain possède ses propres drogues de modification
      de la conscience, y compris des hallucinogènes tels que la
      diméthyltryptamine1. En termes
      de sélection naturelle, il semble peu probable que ces drogues soient
      présentes si leur capacité à modifier l’état de conscience ne pouvait
      conférer quelque avantage pour la survie. Il apparaît que la Nature
      elle-même a décidé qu’un état modifié de conscience est parfois supérieur
      à un état de conscience ordinaire.
    
    
      En Occident, nous commençons seulement à comprendre l’impact que l’état
      d’esprit a sur ce qui, auparavant, était trop souvent perçu comme des
      aptitudes purement physiques. Lorsque, dans un cas d’urgence, un chamane
      aborigène australien ou un lama tibétain s’engage dans un « voyage
      rapide » – une transe ou technique d’ECC qui permet de
      courir sur de longues distances à grande vitesse –, il s’agit
      clairement d’une technique de survie qui, par définition, est impossible
      en ECO.2
    
    
      De la même manière, nous apprenons aujourd’hui que nombre de nos meilleurs
      athlètes entrent dans un état modifié de conscience lorsqu’ils réalisent
      leurs plus grands exploits.
    
    
      En fin de compte, il semble inapproprié d’avancer qu’un seul état de
      conscience est supérieur aux autres en toutes circonstances. Le chamane
      sait depuis longtemps qu’une telle assertion est non seulement fausse,
      mais encore dangereuse pour la santé et le bien-être. Utilisant une
      connaissance accumulée durant des millénaires, aussi bien que ses propres
      expériences, le chamane sait à quel moment un changement d’état de
      conscience se révèle opportun et même nécessaire.
    
    
      Dans l’ECC, le chamane n’expérimente pas seulement ce qui est impossible
      en ECO, mais il le met en pratique. Même s’il pouvait être prouvé que
      toutes les expériences du chamane en ECC résident uniquement dans son
      esprit, cela ne rendrait pas cet univers moins réel pour lui. En fait, une
      telle conclusion signifierait que les expériences et les actes du chamane
      ne sont en aucun cas absolument impossibles.
    
    
      Les exercices proposés dans ce livre sont ma propre adaptation et
      interprétation de certaines méthodes chamaniques millénaires que j’ai
      apprises directement auprès d’Indiens d’Amérique du Nord et du Sud,
      accompagnées d’informations tirées de la littérature ethnographique, y
      compris celle concernant d’autres continents. J’ai adapté ces méthodes
      afin que les lecteurs occidentaux puissent utiliser ces techniques dans
      leur vie quotidienne indépendamment de leurs orientations religieuses ou
      philosophiques. Elles concernent autant ceux qui sont en bonne santé que
      ceux qui sont déspiritualisés ou malades. Du point de vue chamanique, le
      pouvoir personnel est le fondement de la santé dans toutes les
      circonstances de la vie.
    
    
      Pour tirer le meilleur profit de ce livre, prenez soin de pratiquer les
      exercices ou les expériences précisément dans l’ordre présenté, sans
      aborder un nouvel exercice tant que le précédent n’a pas été totalement
      réussi. Parfois, il est possible pour une personne de franchir toutes les
      étapes en quelques jours ; plus généralement, cela prend des semaines
      ou des mois.
    
    
      Le plus important n’est pas la vitesse, mais une pratique personnelle
      constante. Aussi longtemps que vous vous efforcerez à pratiquer de manière
      disciplinée les méthodes que vous aurez apprises, vous serez dans le
      processus qui conduit à devenir un chamane. Et à quel moment êtes-vous un
      véritable chamane ?
    
    
      Ce statut ne peut vous être conféré que par ceux que vous tenterez
      d’assister en matière de pouvoir et de guérison. Autrement dit, c’est le
      succès reconnu dans votre travail chamanique qui déterminera si vous êtes
      effectivement devenu un chamane.
    
    
      Vous aurez la possibilité de découvrir que, sans utiliser de drogues, vous
      pouvez modifier votre état de conscience selon la voie chamanique
      classique et entrer dans la réalité non ordinaire du chamanisme. Là, en
      ECC, vous pourrez devenir un voyant (celui qui voit), et
      entreprendre personnellement le fameux voyage chamanique visant à acquérir
      la connaissance expérimentale d’un univers caché. Vous pourrez également
      découvrir comment bénéficier de vos voyages en termes de guérison et de
      santé en utilisant des méthodes anciennes qui annoncent et dépassent à la
      fois la psychologie, la médecine et la spiritualité occidentales. En plus
      de cela, vous pourrez apprendre des méthodes qui ne comportent pas de
      voyage, et grâce auxquelles le pouvoir personnel est maintenu et amélioré.
    
    
      Il n’est pas rare que les Occidentaux qui abordent les exercices
      chamaniques pour la première fois ressentent une certaine anxiété.
      Pourtant, dans tous les cas que je connais, la crainte a été rapidement
      remplacée par des sentiments de découverte, d’excitation positive et
      d’assurance. Ce n’est pas un hasard si le terme extase désigne à la fois
      la transe chamanique (ECC) et un état d’exaltation ou de ravissement
      enchanteur. L’expérience chamanique est de nature positive, comme cela a
      été vérifié par des millénaires de pratique, et comme j’ai pu le constater
      encore et encore dans mes séminaires de pratique où les participants
      représentent à chaque fois un large spectre de personnalités.
    
    
      En un sens, l’ECC est plus sûr que le rêve. Dans un rêve, vous pouvez vous
      montrer incapable d’échapper volontairement à une expérience non désirée
      ou à un cauchemar. En revanche, vous entrez volontairement en ECC, et,
      puisqu’il s’agit d’un état de veille conscient, vous pouvez en sortir à
      volonté et revenir à n’importe quel moment en ECO. À la différence d’une
      expérience provoquée par une drogue psychédélique, la durée du voyage en
      état modifié de conscience n’est pas déterminée chimiquement, et il
      n’existe aucune possibilité de rester bloqué dans un mauvais trip.
      À ma connaissance, les seuls dangers significatifs liés à la pratique du
      chamanisme sont sociaux ou politiques. Par exemple, il était à l’évidence
      risqué d’être un chamane en Europe à l’époque de l’Inquisition, et même
      aujourd’hui, chez les Jívaro, il peut se révéler dangereux de se faire
      accuser d’être un mauvais chamane ou un sorcier, c’est-à-dire un praticien
      d’un type de chamanisme qui ne sera pas enseigné ici.
    
    
      La présentation que je fais du chamanisme dans ce livre est
      essentiellement phénoménologique. Je n’essaierai pas d’expliquer les
      concepts et les pratiques chamaniques dans l’optique de la psychanalyse ou
      de tout autre système occidental contemporain de théorie causale. La
      causalité qui est à l’œuvre dans le chamanisme et la guérison magique est,
      bien entendu, une question très intéressante et digne de recherches
      intensives, mais la recherche scientifique orientée sur les questions de
      causalité n’est pas essentielle à l’enseignement de la pratique chamanique
      – et cet enseignement est notre principal objectif ici.
      Autrement dit, les interrogations d’Occidentaux cherchant à savoir
      pourquoi le chamanisme fonctionne ne sont pas nécessaires pour
      expérimenter et utiliser ces méthodes.
    
    
      Lorsque vous commencez à pratiquer les techniques chamaniques, essayez de
      suspendre vos préjugés critiques. Prenez simplement plaisir aux aventures
      de l’approche magique ; absorbez et pratiquez ce que vous lisez, puis
      voyez où vos explorations vous conduisent. Durant des jours, des semaines
      et peut-être des années après avoir utilisé ces méthodes, vous aurez
      amplement le temps de réfléchir à leur signification d’un point de vue
      occidental. La manière efficace d’apprendre le système des chamanes est
      d’utiliser les mêmes concepts fondamentaux qu’eux. Lorsque, par exemple,
      je parle d’« esprits », c’est parce que les chamanes parlent
      ainsi dans le cadre de leur système. Pour pratiquer le chamanisme, il
      n’est pas nécessaire, et il est même gênant, de se préoccuper de
      comprendre scientifiquement ce que les esprits peuvent réellement
      représenter et pourquoi le chamanisme fonctionne.
    
    
      Les livres de Carlos Castaneda, indépendamment des questions qui ont été
      soulevées quant à leur degré de fictionVI, ont rendu un
      service précieux en introduisant de nombreux Occidentaux au monde
      aventureux et passionnant du chamanisme, ainsi qu’à certains de ses
      principes. Dans les pages qui suivent, je ne récapitulerai pas les
      informations contenues dans les ouvrages de Castaneda, pas plus que je
      n’ai cherché à montrer les équivalences entre ses concepts et ceux
      présentés ici. Pour la majorité des lecteurs de ses livres, la plupart des
      parallèles apparaissent clairement. Je dois souligner, cependant, que dans
      ses livres, Castaneda ne met pas l’accent sur les soins, bien qu’il
      s’agisse de l’une des tâches les plus importantes du chamane. Cela
      s’explique peut-être par le fait que Don Juan – son enseignant –
      est fondamentalement engagé dans une forme de chamanisme guerrier (ou
      sorcier).
    
    
      Mon objectif principal est de fournir un manuel d’introduction à la
      méthodologie chamanique ayant pour but la santé et le soin. La voie que je
      vous présente est celle du guérisseur, et non celle du sorcier, et les
      méthodes indiquées visent à obtenir le bien-être, et à aider les autres.
      La connaissance du chamanisme, comme toute connaissance, peut être
      utilisée à des fins diverses, selon la façon dont elle est employée. Je
      pourrais développer davantage, et peut-être le ferai-je dans le futur,
      mais les bases essentielles sont là pour quiconque a la capacité et la
      volonté de commencer à devenir un chamane.
    
    
      Enfin, je devrais déclarer, si cela n’est pas déjà évident, que je
      pratique moi-même le chamanisme ; non pas parce que je comprends en
      termes d’ECO pourquoi cela fonctionne, mais simplement parce que cela
      fonctionne vraiment. Mais n’en croyez pas ma seule parole : la
      véritable connaissance chamanique est de l’ordre de l’expérience et ne
      peut être obtenue auprès de moi ou de tout autre chamane. Après tout, le
      chamanisme est fondamentalement une stratégie d’apprentissage personnel et
      d’action fondée sur cet apprentissage. Je vous présente une partie de
      cette stratégie et vous souhaite la bienvenue au cœur de la très ancienne
      aventure chamanique.
   

15 décembre 2012

LA VOIE DU CHAMANE préfaces

cover

« Les hommes-médecine aborigènes, bien loin d’être des filous, des  charlatans ou des ignares, sont des hommes de haut rang ; c’est-à-dire, des hommes qui ont atteint un rang dans la vie secrète qui est bien supérieur à celui de la plupart des hommes adultes – ils ont franchi un pas qui implique discipline, entraînement mental, courage et persévérance. (…) Ce sont des hommes respectés, de personnalité souvent exceptionnelle. (…) Leur signification sociale est immense, puisque la santé psychologique du groupe dépend largement de la foi en leurs pouvoirs. (…) Les différents pouvoirs psychiques qui leur sont attribués ne doivent pas être trop rapidement rejetés comme étant de la simple magie primitive et de la “superstition”, car la plupart d’entre eux se sont spécialisés dans le fonctionnement de l’esprit humain, dans l’influence de l’esprit sur le corps et de l’esprit sur l’esprit.»

PRÉFACE À L’ÉDITION FRANÇAISE
    
Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, ce n’est que très récemment que l’on a commencé à écouter réellement les chamanes. Pendant très longtemps, les seules informations dont nous disposions pour comprendre le chamanisme furent soit des récits de missionnaires et d’aventuriers datant des conquêtes, soit des comptes rendus d’anthropologues de la vieille école partis étudier les cultures dites « primitives ».


      Dans tous les cas, les croyances, les idéologies et les dogmes religieux et intellectuels interféraient avec l’observation. Ce n’était donc pas vraiment une communication réciproque qui s’établissait entre les « spécialistes du chamanisme » et les chamanes, mais une interprétation généralement faussée qui servait avant tout à renforcer nombre de préjugés et d’idées reçues.


    Durant les années 1960, suite à quelques décennies de prodigieuses découvertes dans des domaines aussi variés que la pharmacologie des plantes chamaniques ou l’étude des états modifiés de conscience, quelques anthropologues décidèrent de ne plus simplement interpréter les dires des chamanes selon un contexte culturel donné, mais de les écouter en considérant leur savoir, leurs connaissances et leurs récits comme de l’information brute ayant une valeur de vérité égale à toute autre forme de science empirique.


      Dans cette nouvelle vague anthropologique, Michael Harner fut sans aucun doute l’un des plus importants pionniers de l’écoute véritable des chamanes. À la fin des années 1950, après plusieurs séjours en Amazonie, il outrepassa toutes les règles établies en décidant non seulement de participer à des cérémonies, brisant le tabou de l’observation pure et dure, mais également d’apprendre les techniques du chamanisme directement auprès de chamanes sud et nord-américains. Il fut aussi l’un des premiers à affirmer que le chamanisme est universel et que l’ensemble des techniques qu’il véhicule, au-delà des contextes culturels et folkloriques, n’appartient à aucune culture en particulier, mais fait partie du patrimoine de l’humanité, et cela depuis des dizaines de milliers d’années.


      En 1980, Michael Harner a décidé de partager ses connaissances pratiques en écrivant un livre qui décrit précisément les modalités du travail chamanique, en se plaçant du côté du praticien plutôt que de celui de l’observateur. Ce livre – La Voie du chamane – est sans aucun doute l’un des plus importants ouvrages sur le chamanisme, parce que, justement, il parle de chamanisme, c’est-à-dire de techniques spécifiques permettant de changer d’état de conscience, de voyager et de travailler dans le monde des esprits. C’est par son intermédiaire que de nombreux Occidentaux ont pu redécouvrir leurs potentialités chamaniques et régénérer des pratiques qui avaient été refoulées durant plusieurs siècles.


      Peu avant la première édition de La Voie du chamane, Michael Harner a mis sur pied le Center for Shamanic Studies, qui s’est ensuite transformé en une fondation d’importance internationale, la Foundation for Shamanic Studies (Fondation pour les études chamaniques) ayant pour but la préservation, la compréhension et la transmission des techniques chamaniques universelles, que Michael Harner a regroupées sous l’appellation core-shamanism (chamanisme fondamental). Ainsi, contre vents et marées académiques et contre toute forme de pensée réactionnaire, Michael Harner a poursuivi son travail de pionnier et a contribué à ouvrir le champ des possibles en fournissant un accès non dogmatique et universel à la voie chamanique.   


      Au chapitre des remerciements, les personnes suivantes ont chacune joué un rôle décisif dans la réédition de cet ouvrage : tout d’abord William Texier, qui a fait le lien entre l’intention et sa réalisation ; Tigrane Hadengue et Michka Seeliger-Chatelain, les forces créatrices de Mama Editions, qui ont répondu présent à l’appel ; Jeremy Narby, qui a su voir la pertinence de cet ouvrage ; Ulla Straessle, qui a porté et continue de porter de plus belle le flambeau du core-shamanism dans les pays francophones d’Europe ; et finalement, last but not least, Michael Harner, qui a facilité les démarches et a partagé sa joie de voir The Way of the Shaman enfin réédité en français.   


      Michael Harner, qui a aujourd’hui plus de quatre-vingts ans, est considéré comme l’un des plus grands spécialistes du chamanisme. Cet ouvrage, réédité dans une version complète et révisée, est son œuvre majeure.   
    
    
      Laurent Huguelit  
      Membre de la Faculté de la  
      Foundation for Shamanic Studies  
      Coauteur de Le Chamane & le Psy

 

PRÉFACE À L’ÉDITION AMÉRICAINE
    
    
      Dix ans ont passé depuis la parution de l’édition originale de ce livreI, et ce furent des années tout à fait remarquables pour la renaissance chamanique. Avant cela, le chamanisme disparaissait rapidement de la planète, alors que les missionnaires, colons, gouvernements et intérêts commerciaux écrasaient les peuples tribaux et leurs anciennes cultures. Cependant, durant la dernière décennie, le chamanisme est revenu à la vie humaine avec une force surprenante, et cela même dans des bastions de la « civilisation » occidentale tels que New York ou Vienne. Cette résurgence a eu lieu si subitement que la plus grande partie du public ignore probablement qu’il existe une chose telle que le chamanisme, et sait encore moins qu’il est en train de revenir. Mais quoi qu’il en soit, des milliers de personnes aux États-Unis et ailleurs ont repris la pratique du chamanisme et l’ont incluse dans leur vie quotidienne.      


      Le retour du chamanisme a rendu perplexes de nombreux observateurs extérieurs au mouvement, c’est pourquoi je voudrais évoquer quelques-uns des facteurs contribuant à ce renouveau. L’une des raisons de l’intérêt grandissant pour le chamanisme est que de nombreuses personnes éduquées ont délaissé l’Âge de la foi. Elles ne croient plus que les dogmes et autorités ecclésiastiques puissent leur fournir une preuve adéquate de l’existence de la réalité des mondes spirituels, ou même du fait que l’esprit existe. Des anecdotes de seconde main issues de textes religieux antagonistes et déterminés culturellement, provenant d’autres temps et d’autres lieux, ne sont pas assez convaincantes pour fournir des paradigmes à leur existence. Ces personnes demandent des preuves de meilleure qualité.   


      Le New Age est partiellement une ramification de l’Âge de la science, et il incorpore à la vie privée les conséquences paradigmatiques de deux siècles d’utilisation sérieuse de la méthode scientifique. Les enfants de l’Âge de la science, dont je fais partie, préfèrent parvenir par eux-mêmes, expérimentalement, à leurs propres conclusions sur la nature et les limites de la réalité.Le chamanisme leur fournit une voie permettant de conduire ces expérimentations, parce qu’il s’agit d’une méthodologie, et non d’une religion.


       L’Âge de la science a produit le LSD. Parmi ceux qui sont arrivés au chamanisme beaucoup ont auparavant déjà conduit des « expérimentations »,   quoique de manière informelle, par l’intermédiaire de trips  produits par des drogues psychédéliques, mais ont découvert qu’ils  n’avaient pas de cadre ou de discipline dans lesquels positionner leurs expériences. Ils ont cherché dans les livres de Castaneda et d’autres auteurs des cartes de leurs expériences, et ont ressenti la cartographie secrète qui se trouve dans les fondements du chamanisme.  

 
      L’Âge de la science a également produit les NDE (Near Death Experiences ou EMI, expériences de mort imminente) à large échelle, en raison d’un nouveau niveau de technologie médicale qui a permis à des millions d’Américains d’être réanimés d’un état de mort clinique. Les expériences de mort imminente, bien que non planifiées, se sont également révélées être des expériences personnelles qui ont mis à l’épreuve, et très souvent changé, les postulats préalables des survivants concernant la réalité et l’existence de l’esprit. Ces personnes ont également cherché des cartes, et nombre d’entre elles se sont tournées vers les anciennes méthodes chamaniques au cours de leur quête.  

 
      Les méthodes chamaniques requièrent une discipline détendue, avec de la concentration et un but. Le chamanisme contemporain, comme celui de la plupart des cultures tribales, utilise un son percussif monotone pour entrer dans un état modifié de conscience. Cette méthode classique sans drogue est remarquablement sûre. Si les praticiens ne maintiennent pas leur concentration et leur discipline, ils retournent simplement à l’état de conscience ordinaire. Il n’y a pas de période de temps prédéterminée dans l’état modifié de conscience, contrairement à ce qui tendrait à arriver avec une drogue psychédélique.  
    
      En même temps, les méthodes chamaniques classiques fonctionnent avec une rapidité surprenante, si bien que, en quelques heures, la plupart des personnes peuvent faire des expériences qui prendraient normalement des années de méditation silencieuse, de prières et de psalmodies. Pour cette seule raison, le chamanisme est idéalement adapté à la vie contemporaine des personnes actives, tout comme il fut idéalement adapté, par exemple, aux Inuits dont les journées étaient remplies de tâches liées à la lutte pour la survie, mais dont les soirées pouvaient être consacrées à la pratique du chamanisme.   
    
      Un autre facteur expliquant le retour du chamanisme est le développement récent d’approches holistiques de la santé utilisant activement l’esprit pour favoriser la guérison et le maintien du bien-être. Dans le cadre de la santé holistique, un grand nombre de pratiques du New Age illustrent la redécouverte, par l’expérimentation récente, de méthodes qui furent autrefois largement connues dans les pratiques tribales et populaires. Le chamanisme, comme système englobant en grande partie cet ancien savoir, reçoit de plus en plus d’attention de la part de ceux qui cherchent de nouvelles solutions aux problèmes de santé, qu’ils soient physiques, mentaux ou émotionnelsIII. Des techniques spécifiques utilisées depuis longtemps dans le chamanisme, telles que la modification de l’état de conscience, la réduction du stress, la visualisation, la pensée positive et l’assistance provenant de sources non ordinaires, sont quelques-unes des approches qui sont largement utilisées dans la pratique holistique contemporaine.   
    
      Une autre raison importante du vaste intérêt pour le chamanisme est qu’il s’agit d’une écologie spirituelle. En ces temps de crise environnementale mondiale, le chamanisme fournit un élément qui manque à la plupart des « grandes » religions anthropocentriques : la révérence pour les autres êtres de la Terre, pour la planète elle-même, et la communication spirituelle avec eux. Dans le chamanisme, il ne s’agit pas simplement d’un culte de la Nature, mais d’une communication spirituelle réciproque qui ressuscite les  connexions perdues que nos ancêtres humains entretenaient avec le merveilleux pouvoir spirituel et la beauté de notre jardin Terre. Les chamanes, comme l’a mis en évidence Mircea Eliade, le spécialiste du chamanisme et de l’histoire comparée des religions, sont les derniers humains capables de parler avec les animauxIV. En fait, j’ajouterai qu’ils sont les derniers capables de parler avec l’ensemble de la Nature, y compris les plantes, les ruisseaux, l’air et les rochers. Nos anciens ancêtres chasseurs-cueilleurs reconnaissaient que leur environnement avait le pouvoir de vie et de mort sur eux, et considéraient cette communication comme essentielle pour leur survie.
    
      Et maintenant, nous aussi, nous commençons à reconnaître le pouvoir de vie  et de mort que notre environnement a sur nous. Après une destruction  irréfléchie et sans merci des autres espèces de la planète, de la qualité de l’air, de l’eau et de la Terre elle-même, nous retournons, quoique  lentement, à la prise de conscience que l’ultime survie de notre espèce dépend du respect que nous avons pour notre environnement planétaire. Mais, le respect seul ne suffit pas. Nous avons besoin de communiquer intimement et avec amour avec « toute notre parenté », comme le diraient les Lakota, en ne parlant pas seulement avec le peuple humain, mais avec le peuple des plantes, et tous les éléments de l’environnement, y compris le sol, les rochers et l’eau. En fait, du point de vue du chamane, ce qui nous entoure n’est pas de « l’environnement », mais notre famille.
    
     Aujourd’hui, de Zurich à Auckland, de Chicago à São Paulo, des humains abordent à nouveau l’ancienne voie du chamane, souvent dans des cercles ou des groupes de tambour qui se rencontrent régulièrement pour pratiquer et faire un travail de guérison. Ces groupes sont autonomes, et comme l’ont fait les chamanes depuis des temps immémoriaux, ils travaillent indépendamment, dans de petites communautés, afin d’apprendre, de s’entraider et d’aider les autres. Et ces communautés informelles font partie d’une communauté plus étendue, maintenant internationale, mais sans hiérarchie et sans dogmes, car les autorités spirituelles, comme aux époques tribales, se trouvent directement dans la réalité non ordinaire à laquelle chaque voyageur chamanique a accès individuellement.


      Un cercle de tambour se réunit toutes les semaines ou tous les quinze jours, le soir, et compte en général entre trois et douze personnes, la direction et la responsabilité du tambour passant de l’un à l’autre. En travaillant ainsi, les participants fournissent du tambour live et accomplissent un travail chamanique qui leur permet de s’aider les uns les autres et d’aider leurs proches. Si le groupe pratique des soins, c’est à titre gratuit, comme un service spirituel.
    
      De nombreuses autres personnes travaillent seules, à l’extérieur des groupes de tambour, en utilisant des écouteurs et un enregistrement de tambour. Lorsqu’il est utilisé correctement, celui-ci peut avoir une efficacité surprenante (voir l’appendice A). Ces enregistrements, ainsi que d’autres outils technologiques et méthodologiques, sont également utilisés dans le cadre d’un système de résolution de problèmes intitulé shamanic counseling (conseil  chamanique).
    
      En utilisant les méthodes fondamentales du chamanisme telles qu’elles sont
 exposées dans ce livre et dans les séminaires de formation chamanique de la FSS (Foundation for Shamanic Studies), ces nouveaux praticiens ne « jouent pas à l’Indien », mais se rendent aux mêmes sources spirituelles révélatrices vers lesquelles les chamanes tribaux ont voyagé depuis des temps immémoriaux. Ils ne prétendent pas être des chamanes ; et pourtant, lorsqu’ils obtiennent des résultats chamaniques pour eux-mêmes et pour autrui dans ce travail, cela confirme leur authenticité. Leurs expériences sont véritables et lorsqu’elles sont décrites, elles sont essentiellement interchangeables avec les récits de chamanes de cultures non écrites. Le travail chamanique est le même, l’esprit, le cœur et le corps humain sont les mêmes ; seules les cultures sont différentes.
    
      En poursuivant leurs pratiques chamaniques, ils en sont venus à comprendre que ce que la plupart des gens décrivent comme étant la « réalité » touche à peine à la grandeur, au pouvoir et au mystère de l’Univers. Les nouveaux chamanes pleurent souvent des larmes d’extase lorsqu’ils vivent et racontent leurs expériences. Ils parlent avec une compréhension mutuelle aux personnes qui ont eu des expériences de mort imminente, et voient de l’espoir là où les autres peuvent voir du désespoir.
    
      Ils tendent à vivre une transformation alors qu’ils découvrent la sécurité et l’amour incroyables qui se trouvent dans un univers d’ordinaire caché. L’amour cosmique qu’ils rencontrent à maintes reprises dans leurs voyages s’exprime de plus en plus dans leur vie quotidienne. Ils ne se sentent pas isolés, même lorsqu’ils sont seuls, parce qu’ils sont parvenus à comprendre que nous ne sommes jamais vraiment isolés. À l’instar des chamanes sibériens, ils comprennent que « tout ce qui est est vivant ». Partout, ils sont entourés de vie, de famille. Ils sont retournés à la communauté éternelle du chamane, sans aucune limite de temps et d’espace.
    
      Michael Harner
      Norwalk, Connecticut
      Printemps 1990

6 décembre 2012

invocation à Lilith

Lilith est la première femme mythologique d’Adam. Elle, comme Adam, furent créés par Dieu de la « poussière de la terre », à l’image de Dieu il les créa, mâle et femelle il les créa. Eve ne vient qu’après, fabriquée d’une côte d’Adam…

Toutefois, pour introduire cette invocation, voici ce que nous pouvons en dire :

Elle aurait blessé Adam et bu son sang, elle a refusé de se soumettre à lui, elle a hurlé le Nom ineffable de Dieu, elle s’enfuit dans les airs.

Lilith est représentée comme un serpent ailé

Lilith tuerait les enfants et elle tourmente les hommes qui dorment seuls.

Ce serait elle qui, déguisée en serpent, aurait tenté Eve

Elle aurait été l’épouse de Lucifer, mais elle s’est révélée trop forte pour lui et il dut la bannir dans le désert

Certains disent qu’elle a régné comme Reine de Saba et qu’elle serait le démon qui aurait tué les fils de Job, elle serait apparue devant Salomon déguisée en prostituée de Jérusalem.

AVERTISSEMENT

Lilith est un égregore primal de la sombre anima. Elle a une domination et une puissance sexuelle sans fin. Cette invocation ne devrait pas être tentée par ceux qui n’ont que des connaissances basiques de la magie cérémonielle, ni par ceux qui n’ont pas encore résolu leurs problèmes psychologiques liés à la sexualité.

Si du sang doit être tiré et que des rapports sexuels doivent s’en suivre, toutes les précautions doivent être prises quant aux maladies qui peuvent se transmettre par le sang et les fluides sexuels.

Si vous avez peur des conséquences de ce rite, alors il vaut mieux pour votre santé psychologique que vous ne fissiez rien. Ce rite n’est ni pour les timides, ni pour les tièdes, il demande une implication totale et une force magique exceptionnelle.

Avec ce rite, vous serez connecté à des énergies pures et sauvages. Il se peut que des éléments étranges viennent émailler votre cérémonie et l’influence de Lilith doit y être reconnue. Si, à un moment du rite vous sentez votre force faiblir, ou si vous sentez la peur poindre son nez, n’insistez pas, les conséquences pourraient être catastrophiques. Lilith n’aime ni les tièdes ni les pleutres, elle aime la force qui est la joie de ce monde. Soyez forts et fermes.

Matériel :

des bougies noires ou mauves

un encens musqué

une coupe d’argent ou de cuivre (personnellement nous utilisons un verre)

un fouet

une cape ou une robe noire pour l’officiant.

du vin rouge capiteux

un petit canif ou un petit couteau (afin de tirer le sang)

une musique sexuelle, languissante, suave et excitante (personnellement nous passons à ce moment deux morceaux de Sepultura « Roots » et « Straighthate » en boucle avec sur une deuxième chaîne des mantras soufis, le mélange est divin…)

Préparation :

Lilith est un des aspects féminins de la sexualité sombre. Pour cette raison, l’opération ne peut que mieux réussir si l’officiant principal est féminin. Si l’officiant principal est un homme, alors, il devra entrer en lui-même et chercher sa part féminine la plus enfouie et la ramener avec lui, se laisser submerger par elle pour devenir un démon féminin. Dans notre cas, les effets sont souvent assez perturbants, se transformer en pute vicieuse et se caresser comme une femme en chaleur reste une expérience à vivre dans tous les cas. L’officiant désigne un participant secondaire et il est vivement recommandé que cette personne procède à un rituel du bannissement préliminaire. Le participant secondaire doit être expert dans l’art magique, car c’est lui qui invoque et bannit l’égregore de Lilith à la fin du rite.

Les applications de ce rite peuvent grandement varier comme Lilith est à la fois une déesse de la sensualité et de la mort.

Ce rituel est un rituel de libération sensé alléger l’officiant de ses peurs sexuelles et permettant d’obtenir un Mot de Pouvoir ou un Sigil de l’égregore. Il faut bien sûr émettre une dédicace de l’œuvre claire et précise.

Le Rite :

0. Les bougies sont disposées en cercle autour du temple et allumées. On fait brûler une grande quantité d’encens, le mieux étant que la pièce soit envahie par une fumée épaisse.

1. Pratiquer le rituel de bannissement selon le Rituel Mineur du Pentagramme, le Rubis Etoilé ou toute autre procédure efficace déjà testée et avec laquelle les participants sont à l’aise.

2. L’officiant principal, nu sous sa robe, prend position au centre du cercle des bougies. Il tient le fouet dans sa main droite. L’autre participant s’assied dans un cercle autour de l’officiant. On fait débuter la musique.

3. La dédicace de l’œuvre est alors déclarée par l’officiant principal et le participant lui fait écho.

« C’est notre volonté d’invoquer l’egregore de Lilith afin que par son esprit nous soyons libérés de la peur du Sexe et de la Mort et que nous puissions obtenir un Mot de Pouvoir ! »

4. Le passage suivant est alors récité par l’officiant afin d’invoquer la personne de Lilith en son corps et en son esprit :

« Elle est la fille de la Force et du Courage et elle a ravi toutes les heures de ma jeunesse. Car vois, je suis la Compréhension et la Science réside en moi ; et les cieux m’oppressent. Ils me désirent et me convoitent avec un désir infini ; car nul de ceux qui sont de cette terre ne m’a embrassée, car je suis cachée par les Cercles des Etoiles et couverte par les Nuages du Matin. Mes pieds sont plus légers que le vent et mes mains plus douces que la rosée du matin. Mes habits vêtements sont ceux des origines et ma résidence est en moi-même. Le Lion ne sait pas où je marche, ni les bêtes des champs ne me comprennent. Je suis déflorée et pourtant vierge ; je sanctifie et ne suis pas sanctifiée. Heureux est celui qui m’embrasse, car dans la nuit je suis douce et dans le jour je suis plaisir. Ma compagnie est une harmonie de nombreux symboles, et mes lèvres plus douces que la santé elle-même. Je suis une prostituée pour ceux qui me ravissent et une vierge pour ceux qui ne me connaissent pas. Purgez vos rues, ô fils des hommes, et laver vos maisons, sanctifiez-vous et soyez droits. Rejetez vos vieilles putes et brûlez leurs vêtements et alors je vous apporterai des enfants et ils seront les Fils de la Consolation de l’Age à venir. »

5. Les participants commencent alors à réciter les mantras à Lilith. Alors qu’ils chantent, l’officiant doit tomber dans une transe profonde et invoquer Lilith en son corps

« La chair mangera-t-elle, le sang boira-t-elle ! » (répétez plusieurs fois)

6. Comme le chant continue, le participant récite alors ceci :

« Sombre elle est, mais brillante ! Noires sont ses ailes, noir sur noir ! Ses lèvres sont rouges comme les roses, et embrassent l’univers entier ! Elle est Lilith qui mène les hordes des Abysses et mène l’homme à la libération ! Elle est l’irrésistible accomplissement de tous les désirs, la prophétesse des désirs. Première de toutes les femmes elle fut – Lilith, pas Eve, était la première ! Sa main apporte la révolution de la Volonté et la véritable libération de l’esprit ! Elle est KI-SI-KIL-LIL-LA-KE, Reine du Cercle Magique ! Regardez-la avec désir et désespoir ! »

7. Le participant commence à psalmodier « Lilith, Lilith, Lilith » tandis que l’officiant invoque l’egregore de Lilith. Le participant fait alors une entaille dans son poignet droit et barbouille son front avec son sang. Ensuite, il prend la coupe emplie de vin et touche son front avec la coupe. Ensuite, la coupe est passée à l’officiant qui la boit d’un trait.

8. Si l’invocation est un succès, tous les participants devraient sentir les émotions simultanées de la peur, de l’envie et du besoin pressant de s’y soumettre. Tandis que le participant est submergé par ces émotions, il devrait tomber à terre et se prosterner devant Lilith.

9. La suite n’est pas spécifiée et reste à la volonté et aux désirs de l’egregore. Elle peut choisir de fouetter le participant, de se moquer de lui ou de le séduire. Elle peut commander de commettre différents actes sur l’un ou sur l’autre. Le participant doit se soumettre à Lilith, à quoi que cela puisse être — il serait dangereux de ne pas le faire, n’essayez pas d’offenser Lilith !

10. À ce moment, l’énergie des participants devrait commencer à décroître. À ce stade, le participant devra se poster devant l’officiant et réciter ce qui suit d’une voix forte :

« BlackMoon, BlackRose, Rose Noire et Lune Noire, Lilith, sombre sœur,

Dont les mains forment la démoniaque boue,

De ma faiblesse, de ma force

Tu me modèles comme l‘argile dans le feu

BlackMoon, BlackRose, Rose Noire et Lune Noire, Jugement de la Nuit,

Tu jettes tes ordures sur le sol

Dis le Nom et ne t’envole pas

Fais sortir maintenant le son secret ! »

11. L’officiant des profondeurs de la transe de Lilith doit appeler le Nom, comme le fit la légendaire Lilith avec le Nom ineffable de Dieu.

12. Si tout a été fait correctement, l’esprit de Lilith quittera l’officiant. Sinon, le participant doit répéter le commandement sous 10 avec plus de forces jusqu’à ce que Lilith parte. Le participant devrait alors tracer un pentagramme droit sur l’officiant, et appliquer un jet d’eau glacée sur la figure. Le participant appellera l‘officiant par son nom jusqu’à ce qu’il réponde.

6 décembre 2012

la magie sexuelle

Au départ, toutes les magies sont sexuelles de façon directe ou indirecte, parce que toutes se basent sur l’utilisation de la force vitale primordiale créatrice, sexuelle. Même les courants magiques qui prônent la chasteté sont liés à la sexualité, car cette ascèse vise à sublimer, transmuter les forces sexuelles pour les diriger dans les centres énergétiques supérieurs. La sexualité EST la force vitale.

Nous pouvons distinguer trois expressions de la sexualité pour pouvoir catégoriser la magie. Dans la première catégorie, la sexualité est sublimée par la continence et la chasteté aussi bien mentale que physique. Dans la seconde catégorie la sexualité est implicite, elle n’est pas rejetée mais symbolique dans les rites (tandis que l’adepte conduit sa vie intime comme il l’entend). Cette seconde catégorie est la plus répandue. Enfin la troisième catégorie magique est directement centrée sur l’intensification des désirs et des énergies qui seront projetés dans le cadre d’acte magique clairement sexuel. C’est de cette catégorie dont nous parlerons dans le cadre de la magie sexuelle.



Canaliser l’énergie primordiale

Une des formes les plus célèbres d’utilisation ésotérique de la sexualité se retrouvent en Inde. Il s’agit bien sûr du tantrisme qui est en rapport avec une ascèse très austère. Le tantrisme vise l’éveil spirituel avant tout, même si certains pouvoirs (siddhi) peuvent apparaitre en conséquence de la montée progressive de la kundalini.

Cependant il existe d’autres voies que celles du mysticisme érotisé. La magie sexuelle vise directement l’acquisition de pouvoirs et la réalisation de certains souhaits.

L’adepte de la magie sexuelle consacrera un temps important à sa préparation. Il doit apprendre à intensifier son désir, améliorer la circulation de ses énergies vitales et par la suite exercer un certain contrôle sur ses appétits sexuels devenus plus puissants. Il est nécessaire que le magicien maitrise correctement son esprit et soit devenu talentueux dans les exercices de base de la magie (visualisation, concentration, méditation, relaxation etc). Il doit bien sûr avoir une parfaite connaissance de ses désirs et avoir dépassé certains complexes.

Pour canaliser la force quasi atomique de la sexualité au point d’en obtenir des pouvoirs paranormaux, il convient de renforcer nos nerfs, notre organisme et notre esprit. Dans un travail solitaire, le pratiquant apprendra des techniques issues du yoga et du taoïsme sexuel pour contrôler son éjaculation (dans le cas d’un homme) et rediriger l’énergie sexuelle dans tout son organisme.



Le muscle PC

Le muscle pubo-coccygien ou muscle du périnée entre le pubis et le coccyx doit être ressenti et contrôlé. Pour le situer correctement : c’est le muscle qui est contracté lorsque nous voulons interrompre le flux alors que nous urinons. L’adepte homme ou femme s’entrainera à contracter et décontracter ce muscle en conservant les muscles du cou et des épaules bien relâchés. Une agréable sensation d’énergie montante arrive finalement dans le crâne.

L’homme s’entrainera également en se masturbant et bloquera l’éjaculation avant qu’elle n’arrive, par une puissante contraction du muscle PC. L’homme entrainé ainsi améliore la qualité de son érection et son contrôle sur ses propres orgasmes. Une finalité taoïste consiste à jouir sans émettre de semence.

Homme et femme stimuleront leur force vitale primordiale (kundalini) et leur contrôle d’eux même avec cet exercice qui stimule également la santé générale. Le même genre d’exercice peut être fait avec les muscles de l’anus, dans le but de faire monter l’énergie vitale vers les chakras supérieurs et de stimuler la kundalini-shakti.





A l’écoute de la force vitale

Il n’est pas bon de garder trop de contraction physique et mentale à cause des exercices de sublimation. Voila pourquoi les adeptes de la magie sexuelle doivent être capables d’une profonde relaxation physique et d’une écoute de leurs tensions, ainsi que d’être capable d’arriver à un certain recul vis-à-vis du désir. Il faut savoir temporiser et différer la jouissance, pour savourer le désir. Simplement être présent dans sa sensualité. Rester dans la félicité de l’attente présente, sans tension.

Se souvenir que le désir est le moteur de toute chose, qu’il s’agisse du désir de « baiser » au désir de s’unir à Dieu ou de conquérir le monde, tout est désir. Le principe de l’amour courtois du chevalier consisté à choisir une Dame inaccessible (déjà prise par un seigneur) et d’utiliser ce puissant moteur pour terrasser les ennemis, et surtout les ennemis intérieurs.



Diffusion de l’énergie sexuelle dans l’organisme : Sublimation

Sur l’inspiration le magicien (ou la magicienne) contracte le muscle PC. L’air est aspiré par le nez de la même façon que pour humer un parfum. Sur l’expiration le muscle est détendu en douceur. Il faut se focaliser sur cette douce respiration qui monte dans les parois nasales jusqu’au front et ressentir des montées d’énergies qui diffusent la vitalité par vague dans l’organisme. Le corps doit être détendu, cette respiration se pratique dans l’acte comme en dehors de l’acte sexuel.

Une méthode plus dure consiste à ressentir notre désir envahir tout notre organisme, avant d’y couper court à l’aide d’une contraction violente de tout le corps, pendant 5 à 10 secondes. L’exercice est suivi par une profonde relaxation puis d’un retour à d’autres préoccupations.

Ces techniques solitaires sont une aide pour maitriser le désir et comprendre comment la force sexuelle peut être sublimée dans le but d’ouvrir les chakras, d’intensifier le magnétisme, d’obtenir des pouvoirs paranormaux et de renforcer la santé. Il n’est pas demandé d’être totalement chaste ou de renoncer au plaisir. Bien au contraire ces techniques peuvent intensifier le désir et le plaisir sans devenir frustré.



En Sorcellerie

Un sorcier ou une sorcière peuvent obtenir de puissant résultat d’envoutement ou de magies diverses en canalisant leur énergie sexuelle pendant plusieurs jours. Par cette période de transmutation et de sublimation, leur énergie devient intense et peut être projetée dans un acte magique redoutable. Un élémental, un incube ou une succube peut être contacté ou vitalisé à partir de ces principes d’accumulations de désir et de force.

Le sperme, le sang et les sécrétions vaginales sont de puissants condensateurs de force vitale. Ils peuvent être utilisés pour charger des talismans, nourrir des entités invisibles, préparer des élixirs etc.



Magie Sexuelle à Deux

En ce qui concerne l’acte sexuel magique, la destruction des tabous et des interdits sociaux ou l’antinomisme de la Left-Hand-Path sont encore ici très présents dans la préparation du sorcier ou de la sorcière qui veut utiliser la magie sexuelle. Cette destruction des tabous et des règles morales permet de libérer encore plus d’énergie. Le paroxysme de ce principe se trouve dans la Messe Noire ou la magie sexuelle de groupe ou tous les interdits sont balayés. Généralement un opérateur central a la charge de canaliser les énergies sexuelles dégagées par les participants à l’orgie rituelle. Certaines pratiques de magie noire existent également où l’un des partenaires se nourrit de la force sexuelle de l’autre pendant l’acte, par le principe du vampirisme psychique.





Mais nous allons plutôt parler de la magie sexuelle à deux. La plus puissante forme de magie sexuelle, la plus sacrée. Homme et femme sont ici le Yang et le Yin, deux polarités complémentaires qui peuvent dégager une énergie formidable au paroxysme de l’acte.

Le taoïsme utilise des actes sexuels controlés et prolongés pour soigner les maladies et ouvrir les canaux d’énergies. A la différence du tantrisme, l’éveil n’est pas le but seul, mais il vient après l’amélioration de la santé et du plaisir. En magie pure les buts peuvent être beaucoup plus étendus.

Chargement de « volts », talismans et condensateurs fluidiques. Influence et envoutement sur un partenaire ou une personne extérieure au couple. Guérison de maladie. Provocation de visions surnaturelles. Possession sexuelle où la femme joue le rôle d’enveloppe corporelle pour une entité qui s’unira ainsi au sorcier (force de pacte ou d’échange). Réalisation d’un projet etc.



Le principe fondamental

Alors que le cerveau de l’homme est de polarité magnétique, celui de la femme est électrique. Le sexe de l’homme est électrique, celui de la femme est magnétique. Comme l’intérieur de l’anus est magnétique, l’acte magique fonctionnera également avec la sodomie, apportant également une stimulation possible à la Kundalini de la femme. L’union des deux produit un courant puissant. La Chine ancienne parlera plus simplement de l’union du Yin et du Yang.

Idéalement les amants seront préparés par une mise en condition romantique, sensuelle, dans un esprit empreint de respect. L’acte sexuel magique est considéré comme une prière. Le but doit être visualisé très clairement.

Le mieux serait que l’homme et la femme aspirent au même but, mais le souhait d’un seul des deux dans le secret de son âme est suffisant pour se nourrir de la force de l’autre, bien que cela soit moins puissant cela reste efficace.

Formulez d’avance l’objectif, et ne l’oubliez pas au moment de l’accouplement, pendant et après.

Si l’acte d’amour est harmonieux et que les deux parviennent au plaisir, alors la prière magique sera réalisée. Pascal Beverly Randolph affirme que si un homme désire une puissance ou une force, il l’obtiendra en focalisant son esprit dessus pendant l’acte jusqu'à son orgasme.

Cette magie est sacrée et puissante et le danger de l’utiliser de façon inconséquente est réel.

De nombreuses possibilités existent et c’est à chacun d’être responsable de ses choix.
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